IKARUGA

Plate-forme Arcade, Dreamcast, Gamecube
Genre Shoot'em up
Editeur Atari
Développeur Treasure / G.Rev
Date de sortie 20 décembre 2001 (Arcade)
5 septembre 2002 (Dreamcast JP)
16 janvier 2003 (Gamecube JP)
Texte 12236 caractères
Captures 15

 

 

 

 

 

 

 

 

Ikaruga, Ikaruga, Ikaruga… un nom que tous les fans de shoot'em up et plus généralement les fans d'import attendaient avec la plus grande impatience, depuis que Treasure avait officialisé son portage sur une console qui restera dans le cœur de beaucoup de joueurs, la Dreamcast. Pourquoi un simple jeu de tir a soulevé autant les attentes des fans ? Tout simplement parce que c'est Treasure qui est derrière ce soft et que Treasure est probablement le dernier éditeur maître du jeu d'action de l'époque 16 bits qui reste encore debout aujourd'hui (aux côtés de Red qui ne sort plus rien de transcendant, hélas). Treasure c'est quelque part un esprit qui a survécu au passage à la 3D et à toutes les grandes modes de ces dernières années pour se concentrer sur le genre que cette équipe maîtrise à fond, le jeu d'action. C'est en collaboration avec les petits gars de G.Rev qu'Ikaruga est né, les mêmes qui s'occuperont dans la foulée de l'excellent Border Down, sorti en arcade et sur Dreamcast.

Officiant sur des consoles variées mais toujours atypiques, Treasure a donné naissance à de véritables perles du jeu d'action comme Alien Soldier ou Gunstar Heroes sur Megadrive. Le développement des jeux chez Treasure est complètement à l'inverse des tendances, ainsi après la Megadrive, Treasure s'est tourné vers la Saturn, en offrant à cette dernière son jeu le plus reconnu, le grandiose Radiant Silvergun, mais également sur Nintendo 64, console très critiquée, avec Bakuretsu Muteki Bangaio (converti sur Dreamcast également) et surtout Sin & Punishment, encore un excellent jeu d'action. Inutile de dire que leur dernière production s'est faite attendre. Ikaruga a bénéficié des deux conversions d’excellent facture : la première sur Dreamcast aura offert à cette dernière un feu d’artifice éblouissant, l’un des derniers grands shoots de cette machine (aux côtés de l’incontournable Border Down). Plus tardive, la conversion Gamecube se révèle du même acabit, c’est-à-dire parfaite.

Un shoot'em up d'une rare intensité
Annoncé au début et à tort comme la suite de Radiant Silvergun (malgré le Project RS2 de la présentation), Ikaruga s'est finalement révélé un jeu à part, même dans sa propre catégorie des jeux de tir. De Radiant Silvergun il ne conserve quasiment rien à part quelques clins d'œil, certains passages assez proches et une constance dans la qualité. Ikaruga est basé sur un système complètement original, qui plus est, exploité à merveille.

Dans Ikaruga, il existe deux couleurs pour les tirs, blanc et noir (ou bleu / rouge c'est selon) et deux couleurs pour les ennemis de la même manière. En général les ennemis blancs tirent du blanc et vice versa, jusque là tout va bien. La grande spécificité c'est que le vaisseau que le joueur dirige possède également deux couleurs qu'il peut alterner, créant soit un bouclier blanc, soit un bouclier noir. Sachant qu'en mode Blanc le vaisseau tire du blanc et absorbe tous les tirs blancs, et qu'en mode Noir c'est l'inverse, on comprend que la force de ce titre va être de proposer un gameplay différent des habitudes des joueurs, souvent profondément ancrées d'ailleurs, le shoot'em up étant un genre réservé aux acharnés comme les jeux de combats. Ici plus question de simplement éviter les tirs, il faut toujours penser en fonction des couleurs. Dès le début, le joueur est obligé de s'adapter à cet esprit de jeu. Absorber les tirs noirs lorsque ceux-ci sont plus nombreux que les blancs, alterner suivant les situations, autant dire qu'il faut des réflexes et en bonne quantité, ainsi que faculté d’ignorer les tirs que l’on peut absorber pour se concentrer uniquement sur ceux qui peuvent être fatals.

La première chose qui rajoute du piment à cette action c'est que les ennemis sont plus vulnérables à leur couleur opposée. Ainsi les gros "mechas" que l'on peut croiser dans le premier niveau, un blanc au hasard, va tirer du blanc, logique, mais être très vulnérable au noir (carrément le double de dégât par rapport aux tirs blancs). Le joueur devra alors esquiver les tirs blancs en étant en mode Noir s'il veut se débarrasser rapidement de son ennemi. Et c'est ainsi pour chaque ennemi, pour chaque séquence de jeu, il faut penser dans cette opposition des couleurs pour parvenir à ses fins, surtout qu'en absorbant des tirs, une jauge se remplit et qu'elle permet de lâcher une puissante salve.

Bien entendu, Treasure connaît son sujet, le jeu d'action ils connaissent par cœur, alors forcément les ennemis pleuvent dès les premiers niveaux et avec une maîtrise parfaite des enchaînements, pas un moment de répit n'est laissé au joueur et au final, bien qu'il ne soit composé que de cinq courts niveaux, Ikaruga brille par une intensité qu'aucun autre shoot'em up ne peut égaler. Des séquences aux mouvements réduits, passages forcés de telle ou telle couleur s'alternent à vitesse grand V et le joueur doit vite apprendre à gérer les couleurs (deux choses) auquel se greffe le décor et ses pièges. Les réflexes sont mis à très rudes épreuves ainsi que la précision. Le dernier niveau est complètement fou, avec des alternances de partout à fournir.

Le digne héritier de Radiant Silvergun
Il arrive parfois que sur une console sorte un shoot' em up qui devient un mythique, l'histoire des jeux vidéo le prouve. Un jeu de tir que les années ne font pas vieillir et qui reste dans les cœurs des anciens joueurs. On se souvient de Super Star Soldier sur PC Engine, de Lords of Thunder sur Duo et donc de Radiant Silvergun sur Saturn. Ikaruga fait parti de ceux là.

Que les choses soient clairs, Ikaruga n'est pas à proprement parlé la suite de Radiant Silvergun même si lorsqu'on allume sa Dreamcast, on se retrouve avec un superbement ambigu RS 2 Project, montrant qu'à l'origine Ikaruga devait bel et bien être la suite de ce jeu d'exception. Cependant rien n'empêche de le prendre comme une suite, même si les vaisseaux et les personnages sont différents vu les similitudes qu'il y a entre les deux (et certaines choses troublantes relatives aux boss de fin des deux titres). Reste que même s'il n'est pas lié à son grand frère, Ikaruga est d'une admirable constance dans la qualité et s'offre le titre de jeu culte de la Dreamcast comme Radiant en son temps avec la Saturn.

Rarement un jeu de tir aura été aussi inventif dans son déroulement et l'idée des couleurs est exploitée à la perfection alors qu'en général, une bonne idée nécessite plusieurs jeux pour être parfaitement exploité. Treasure brille une fois par son talent avec ce jeu de tir aux séquences variées, dont des scènes où la liberté de mouvement est réduite ou des séquences à pleine vitesse, comme dans Radiant Silvergun. Dans Ikaruga, Treasure s'est défoulé à prouver la pleine représentation de ses capacités créatrices, pas comme dans un certain Silpheed The Lost Planet sur Playstation 2 qui, bien que superbe, est largement très léger pour une production Treasure.

En résumé : suite officiellement ou pas, Ikaruga est probablement le jeu que tout les fans de Radiant attendaient, même s'il ne possède pas les mêmes qualités que son ancêtre. Ikaruga est largement plus court, n'a pas les musiques signées Hitoshi Sakimoto qui donnaient un cachet si particulier au jeu et surtout ne dispose en comparaison que d'un seul type de tir et non évolutif, autant de points qui laissent penser que Ikaruga n'est pas le jeu de tir ultime comme l'était Radiant, mais que c'est simplement un jeu partant d'une excellente idée exploitée avec un rare talent.

Une action titanesque
L'action est importante dans Ikaruga et à ce propos il est nécessaire d'éclaircir quelques points du jeu. Tout d'abord les modes de difficulté, Ikaruga en dispose de trois classiques: Easy, Normal et Hard mais les différences sont importantes et surtout en accord avec le principe du jeu. En mode Easy, les ennemis ne laissent aucun tir derrière eux (jusque là c'est facile), en Mode Normal, les ennemis abattus laissent des tirs s'ils sont abattus par un tir de la même couleur, par exemple un ennemi blanc est détruit par un tir blanc, il va laisser des tirs de sa propre couleur mais enfin, en Mode Hard, tous les ennemis laissent des tirs de leur propre couleur, autant dire que lorsqu'il y a un paquet d'ennemis de différentes couleurs, il va falloir s'accrocher si on descend tout les ennemis sans faire attention comme un bourrin.

J'en viens au point le plus important du jeu, celui qui fait qu'Ikaruga est une sorte de jeu d'élite, les Chains. C'est assez simple, dans Ikaruga il est possible de réaliser des séries de Chain, et ce tous les trois ennemis de même couleur. Explication, lorsqu'un joueur abat un ennemi blanc, une boule apparaît en haut à gauche de l'écran et s'il veut faire un Chain (ce qui maximise les points de manière très importante), il devra abattre deux autres blancs avant d'abattre un noir. Les séries de Chain peuvent donc être 3 Blancs, 3 Blancs, 3 Noirs, 3 Blancs etc... Peu importe la couleur mais si le joueur veut réaliser des gros scores, il devra nécessairement prendre garde à l'ordre d'apparition des ennemis et mettre au point une stratégie, ce qui peut-être considéré comme un exploit, vu le rythme des ennemis.

En rajoutant à cela les possibilités du vaisseau de passer de couleurs en couleurs, le fait que les ennemis soient vulnérables à leurs opposés plus les tirs que laissent les ennemis suivant le mode de difficulté, on obtient une action d’une rare densité où la précision et les réflexes sont indispensables. Certains passages sont carrément hypnotiques, les tirs et lasers suivent des chemins particulièrement harmonieux. Chaque passage est une nouvelle idée d’utilisation de l’alternance, chaque passage peut-être optimisé à l’extrême. A un certain niveau, Ikaruga devient une sorte de puzzle game où l’on doit anéantir les ennemis avec une certaine stratégie pour faire des chains. Cet aspect puzzle est particulièrement important mais n’est pas obligatoire, il est tout à fait possible d’appréhender Ikaruga comme un shoot classique en se contentant de tirer sur les ennemis. Pourtant, c’est dans le système de chain que se trouve la véritable richesse du jeu et chaque passage complexe a été réfléchit comme un véritable puzzle, ce qui donne une touche particulière au level design et une couleur de gameplay unique à ce titre.

Comme si la richesse du jeu n'était pas suffisante, Treasure a fait des merveilles sur la carte Naomi en arcade et les conversions sont parfaites. Dès les premiers instants de jeu le joueur découvre une superbe 3D, très propre, avec textures et effets lumineux renversant. L'action ne ralentie jamais, il n’y a pas la moindre saccade, sauf lorsque les boss explosent mais c’est purement volontaire, dans le but d’accentuer le côté démesuré des explosions (comme les KO d’un Street Fighter 2). Ajoutons à cela des musiques excellentes (signée Hiroshi Iuci, à la fois directeur et compositeur du jeu) qui mettent dans une ambiance géniale et tombent aux bons moments pour faire d'Ikaruga un jeu quasiment parfait. Par exemple, le refrain du thème du deuxième boss tombe pile au moment où ce dernier enchaîne les salves de tirs par exemple).

Conclusion
Et plus que cela, un nouveau standard du jeu de tir, il y aura eu l'avant et l'après Ikaruga. Clairement destiné aux plus acharnés des joueurs, Ikaruga s'adresse à tout ceux qui terminent les autres shoots sans problèmes même en Very Hard. Il offre un challenge monstrueux, d'une part grâce à sa difficulté assez extrême (dès le Chapitre 3 on attaque des phases très complexes et la difficulté, déjà haute, ne redescend jamais) et d'autre part par son ingénieux système de Chain, qui peut-être maximisé de manière assez phénoménale.

Une idée excellente, une maîtrise du genre qui tient du génie, Treasure achève les derniers septiques en montrant qu'ils sont les maîtres absolus du jeu d'action. Depuis Radiant Silvergun, aucun shoot'em up n'avait fait aussi fort, et même si ce n'est pas le meilleur du genre (trop centré sur son concept peut-être, mais ce n'est pas un défaut), il reste incontournable pour qui se dit fan du genre. C'est le genre de jeu que tout joueur se doit de posséder, rien que pour le geste, simplement pour contempler ce qu'est la parfaite maîtrise du jeu d'action.

Yan Fanel, novembre 2002

Les points forts
Les points faibles
- Une action frénétique, presque hypnotisante
- Très court (quand on est capable d'arriver à son terme)
- L'excellence du level design
 
- La réalisation de très bonne facture
 
- Le concept de l'alternance et de l'opposition blanc / noir  
- Le système des chains et sa mise en place chirurgicale  
- Les musiques très dynamiques