METROID PRIME 2 ECHOES

Plate-forme Gamecube(PAL)
Genre Aventure
Editeur Nintendo
Développeur Retro Studio
Date de sortie 15 novembre 2004 (US)
Texte 16092 caractères
Captures 15

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Metroid Prime constituait l’un des plus remarquables passages de la 2D à la 3D de ces dernières années. Confié à Retro Studio pour poursuivre la stratégie de délocalisation de Nintendo vis-à-vis de certaines licences importantes (Star Fox, F-Zero…), Metroid Prime fut l’un des jeux majeurs de la Gamecube, une véritable pièce de maître en matière de level design, d’ambiance et de narration environnementale. Le pari fou de faire passer cette série mythique de Nintendo à la 3D, à la première qui plus est, a soulevé maints débats avant la sortie du jeu, pour ensuite être acclamé par la critique et l’ensemble de la profession.

La première mission de Samus en 3D a été une vraie réussite, explorant avec brio un genre nouveau, le jeu d’aventure à la première personne (ou First Person Adventure selon les termes des développeurs, histoire de créer un effet de « hype »). Immersion unique, réalisation de qualité et rythme quasiment parfait, Metroid Prime a excellé comme rarement un jeu l’a fait. Le charme et la force de Metroid Prime sont toujours intacts, mais sitôt le premier épisode achevé, Retro Studio s’est attelé à la réalisation d’une séquelle, conservant le même moteur.

Dans un premier temps, on s’est dit qu’étant donné le fabuleux travail de Retro Studio sur Metroid Prime, il n’y avait aucune inquiétude à avoir. Le résultat serait au moins aussi bon que le prédécesseur, voire meilleur. En y réfléchissant de plus près, poursuivre un tel succès est un vrai dilemme et maintenant que le jeu est sorti, la comparaison avec son illustre aîné est inévitable.

Ancien moteur, nouvelle direction artistique
Si Metroid Prime était très bon il a deux ans, les plus belles réalisations lui sont nettement supérieures aujourd’hui. Il suffit de se tourner vers Riddick ou Halo 2 sur Xbox pour constater à quel point la réalisation de Metroid Prime a vieillit. La géométrie des décors est souvent trop visible et si les intérieurs sont toujours réussis, les extérieurs sont assez quelconques. Alors que certains titres parviennent à tirer le maximum de la gamecube, comme un certain Resident Evil 4 qui pousse la console dans ses derniers retranchements, Metroid Prime 2 Echoes (MP2) est trop proche de son ancêtre. Sans être vilain techniquement, l’éclat n’est clairement plus le même.

Plus grave encore, en voulant s’éloigner de l’ambiance de Metroid Prime et essayer de proposer autre chose, la direction artistique de Metroid Prime 2 a perdu l’identité du premier. On ne retrouve plus les lieux que l’on s’attend à trouver dans un Metroid. C’est une bonne chose pour l’innovation mais le changement est si brutal que l’unité et la cohérence artistique de Metroid Prime sont complètement perdues. Le dilemme de Retro Studio et les choix effectués sont compréhensibles : il fallait chercher à s’éloigner du premier pour créer un univers différent. Pour cela, des choix drastiques ont été effectués et le résultat n’est pas forcément payant.

La structure architecturée autour d’un endroit clé très dégagé si plaisante dans Metroid Prime laisse place à un enchevêtrement compliqué qui dégage nettement moins de sympathie et de vie. En voulant innover, les lieux sont devenus quelconques, moins bien assemblés et moins cohérents. C’est particulièrement dommage car il y avait de bons décors à trouver dans la lignée mais Metroid Prime 2 a voulu trop s’éloigner de ses origines.

C’est d’autant plus flagrant que la réalisation est exactement la même qu’il y a deux ans, ni plus ni moins. C’est sans doute pour contrebalancer ce fait que des lieux si étranges ont été choisis, mais la planète Ether fini par être nettement moins attirante. A la place des magnifiques plaines de Phendrana (la glace), on se retrouve avec un désert plutôt quelconque, qui n’apporte pas grand-chose hormis un changement de couleur. On ne retrouve plus les différentes régions si caractérisées, on se retrouve avec un amas un peu confus qui ne dégage rien de particulier.

En revanche, les deux mondes sont bien pensés et la différence de couleurs et de gameplay est suffisamment prononcée pour créer le décalage voulu. L’Ether sombre est clairement très hostile, si bien qu’une appréhension vient se glisser lorsque l’on découvre un téléporteur et que l’on sait qu’il va bien falloir s’en servir pour progresser. C’est l’un des très bons points du jeu, même si la contrainte de gameplay est assez lourde. On passera sur le design des nouvelles armures de Samus, qui peuvent résolument être qualifiées de « moches » sans appel. Malgré les jolis reflets, le design des armures fait peine à voir et se révèle nettement moins harmonieux que dans le passé.

Le bilan de ces changements est vraiment mitigé pour ne pas dire négatif. D’un côté l’aspect technique est très similaire au premier volet, pour ne pas dire identique et de l’autre côté, l’esthétique est tellement différente qu’elle perd le charme si particulier des différents épisodes de Metroid. Le changement serait sûrement mieux passé s’il avait été toujours parfaitement cohérent. Ici, l’impression qui domine est mitigée, coincé entre le traditionnel et le moderne.

Gameplay
La formule du gameplay est la même que pour Metroid Prime, beaucoup d’exploration à la première personne et une action simplifiée par la visée. Les mouvements principaux sont les mêmes, se mettre en boule, le double saut, le grappin... Quelques items viennent offrir des nouveautés mais elles sont loin de faire varier le gameplay, qui est fondamentalement inchangée. On retrouve la formule de base de Metroid Prime, légèrement enrichie, mais sans profond renouvellement et c’est bien dommage.

D’ailleurs, les objets à scanner sont toujours aussi nombreux et si l’idée reste valide, elle fait perdre un peu de substance à Metroid. Cette critique est également valable pour le premier épisode. Dans Metroid, tout est basé sur l’exploration et la quête d’objet pour améliorer sa puissance. Il n’y a rien d’autre à faire, si ce n’est explorer et monter en puissance. En ajoutant des objets à scanner qui ne donnent rien, Metroid Prime fait perdre le côté isolation sans informations des premiers Metroid. A l’époque, il n’y avait qu’une mission principale, un seul objectif et cela marchait particulièrement bien. Les scans et surtout l’inclusion de personnages et de dialogues font complètement chuter cette sensation d’isolation. Cela se veut sûrement plus moderne, mais une partie du charme de Metroid disparaît dans l’opération.

On peut passer du temps à lire les notes qui approfondissent l’univers, mais lui font surtout perdre tout son mystère, et c’est pour cette raison que je ne trouve pas que ce soit une bonne idée. Plutôt que de glisser quelques informations vraiment travaillées, Retro Studio a surchargé d’informations inutiles que l’on découvre pour augmenter son compteur uniquement. La présence d’un vrai scénario prive l’univers de son mystère et ne donne pas assez l’occasion au joueur de se faire sa propre image de l’univers. Le scénario est trop présent et pas assez intéressant pour que la recette fonctionne idéalement. Par exemple, dans la chambre avant Kraid de Super Metroid, on voit le cadavre d’un soldat. On peut se poser des questions, faire ses propres suppositions. L’idée est que ce genre de détail stimule l’imagination et invite le joueur à faire un minimum d’effort pour rentrer dans l’univers. C’est une technique d’immersion comme une autre. Dans Metroid Prime 2, le même soldat peut être scanné pour découvrir son histoire. L’effort n’y est plus et les histoires ne sont pas vraiment intéressantes, d’autant que les nombreuses lignes à lire viennent casser l’action et l’ambiance. Si cela pouvait passer dans Metroid Prime, le second volet a bien trop souvent recours à cette technique, alors qu’elle est loin d’être aussi efficace que la vieille formule qui laisse l’imagination vagabonder.

A noter qu’un mode combat est disponible où les joueurs peuvent s’affronter. Une première dans un Metroid, qui tend à rapprocher ce titre des FPS plus classiques. C’est assez amusant mais cela reste vraiment anecdotique. On sent bien que c’est un petit bonus et pas un mode de jeu vraiment travaillé à l’extrême.

Dualité
La plus grosse innovation vient du second monde, l’Ether sombre, qui est particulièrement hostile. Malheureusement, ça sent tout de même le réchauffé et de nombreux jeux ont déjà exploité le principe dans des genres qui s’y prêtaient plus (je pense aux Zelda ou à Soul Reaver). Metroid Prime 2 n’est pas un jeu d’aventure comme peuvent l’être ces titres et la complexité du level design n’aide pas vraiment à reconnaître les lieux. Sachant que la plupart ont leur équivalent dans l’Ether sombre, il devient un calvaire de se repérer visuellement, l’utilisation du plan devient indispensable. C’est dommage car Metroid Prime était suffisamment bien fait dans ce domaine pour pouvoir se passer du plan dans les déplacements les plus basiques. Le level design a donc gagné en complexité, mais c’est clairement trop, le joueur ne peut assimiler les informations sans l’aide de son interface.

C’est un peu le problème qu’avait Castlevania Harmony of Dissonance, avec ses deux châteaux, qui en devenait vraiment saoulant, alors que l’idée était génialement exploitée dans Castlevania Symphony of the Night. Le problème est que Metroid Prime 2 est un jeu en première personne et que la complexité et les interactions entre les deux mondes n’aident pas à se repérer, alors que le joueur a vraiment besoin de repères. En résumé, le level design est plus complexe, il est doublé d’un monde alternatif et les objets sont plus éparpillés. Perte de repère, perte de rythme et le joueur finit par s’y perdre. Et dans ce genre de jeu, quand on se rend compte qu’on passe trop de temps à chercher où aller et qu’on avance plus, la frustration apparaît.

De plus, pour encourager encore à l’exploration, chaque temple est fermé et il faut pas moins de trois clés pour les ouvrir. La ficelle est trop énorme pour être honnête et Metroid Prime 2 oblige une exploration méticuleuse des lieux. Ce n’est pas un mal en soi, mais d’un objectif, on passe à trois objectifs pour des missions. Dans le passé, il y avait surtout des objets à ramasser pour accroître ses compétences et accéder à de nouveaux lieux. Or, obliger le joueur à trouver des objets qui ne servent qu’à rien d’autre qu’à avancer, et plusieurs fois au cours de la quête, témoigne vraiment d’un pur artifice pour augmenter la durée de vie. L’équilibre quasiment parfait du premier volet est rompu, on explore désormais des endroits très étroits, des successions de couloirs, à la recherche de petits objets insignifiants. Plus grave encore, les bonus pour augmenter les missiles ou autres sont devenus plus rares. On les trouve tout au long de l’aventure mais cette dernière ayant augmentée de taille, on peut se retrouver à jouer une demi-heure sans avoir avancé d’un pouce, sans gain particulier. Autant dire que l’envie de jouer n’est plus aussi motivante que par le passé. Retro Studio a largement étalé la progression pour faire gagner en durée de vie, mais la perte de rythme est palpable.

Il est étonnant de constater que Retro Studio commet ici des écueils qu’ils avaient évités avec brio dans le premier volet. Les quelques idées nouvelles ne sont pas fondamentales, alors que la simple transposition de Metroid en 3D était un argument suffisamment puissant pour forcer à l’admiration dans Metroid Prime. Cela ne suffit pas ici, et les idées ne sont pas assez intéressantes pour renouveler l’intérêt que l’on pouvait avoir pour Metroid Prime. Par exemple, lorsque Nintendo (enfin Intelligent Systems) a voulu casser le style de Metroid, ils ont inclus les missions clairement définies dans Metroid Fusion. Même si la recette était un poil moins efficace, la cassure était très visible pour donner un intérêt à Metroid Fusion. Le constat est le même dans Zero Mission où Nintendo a repris les ingrédients de Metroid original (ce qui faisait du bien après un Metroid Fusion désorientant), mais a tout de même réalisé des séquences très différentes. Le risque des suites est toujours grand, surtout quand le support ne change pas. Le sentiment d’add-on est très difficile à combattre, et Metroid Prime ne parvient pas à s’en séparer. Evidemment, toutes les qualités originales sont conservées, mais le coup de génie n’y est plus. Toujours dans les exemples, quand Capcom a commencé à tourner en rond avec Resident Evil, ils ont inclus Nemesis dans le trois, avec une importance telle que le sentiment était différent des autres volets.

La ficelle de l’antagoniste peut fonctionner à merveille pour certains jeux, et Metroid Fusion ne s’en est pas privé. Je trouvais qu’il manquait un ennemi important dans Metroid Prime, qui évoluerait en même temps et que l’on retrouverait plusieurs fois dans le jeu. Un antagoniste sur lequel fixer son attention. En voyant les images d’une Dark Samus, je me suis dit que Retro Studio avait eu la même réflexion que moi et je nourrissais quelques attentes à ce sujet. Malheureusement, si Dark Samus a bien été intégré à quelques notes des pirates de l’espace (les antagonistes traditionnels) pour faire monter la pression, la confrontation arrive bien trop tôt et demeure longtemps sans suite. Il n’y a jamais le sentiment d’être traqué, d’être oppressé. Les quelques apparitions de Dark Samus ne sont pas suffisantes pour renouveler l’intérêt de Metroid. L'antagoniste est tout simplement sous exploité, alors que la ficelle fonctionnait avec brio dans Metroid Fusion. C'est vraiment dommage car si cet aspect avait été plus travaillé, il ne fait aucun doute que l'intérêt de Metroid Prime 2 aurait pris du relief.

Conclusion
Je suis conscient que cette critique est plutôt acerbe. J’avais beaucoup d’espoirs dans Metroid Prime 2 Echoes, après la grande réussite que constituait le premier volet. Mais le manque d’innovations et surtout les erreurs de design, aussi bien artistiques (les décors) que ludiques (la structure), ont rapidement fait passer mon envie de progresser dans le jeu. Le problème des séquelles avec le même moteur et le même gameplay est ici flagrant, comme dans Splinter Cell Pandora Tomorrow ou Prince of Persia Warrior Within. Trop de similitudes, pas assez d’éléments pour provoquer une cassure avec les anciens volets et surtout une volonté de faire différent qui n’aboutit pas, ou qui aboutit mal. Le changement d’univers de Metroid ou de POP Warrior Within n’est pas un argument suffisamment valable, surtout quand l’univers original est plus attirant. Quand il y a un argument assez solide dans le gameplay, on peut passer outre et cela donne un chef d’œuvre comme Majora’s Mask, qui propose un univers différent, moins attachant, mais un gameplay nouveau.

Metroid Prime 2 Echoes tire trop du côté de l’add-on, alors que certains efforts sont faits pour s’en détacher. Et l’utilisation de grosses ficelles comme le scénario trop présent ou l’étalage de l’aventure par la multiplication des objectifs n’est pas à l’honneur du studio texan. Il est vrai que je me montre vraiment critique sur ce Metroid, car j’en connaissais à l’avance les enjeux et qu’il ne m’a pas satisfait suffisamment, pour un Metroid (car les exigences vis-à-vis d’un Metroid ne peuvent être qu’élevée).

Dans le fond, Metroid Prime 2 est un très bon jeu, qui ne peut décevoir que les plus exigeants des fans de la série, ou simplement les gens qui détestent les add-on. C’est un choix de se focaliser sur les aspects négatifs pour cette critique car les qualités de ce volet 2 sont exactement les mêmes que pour l’épisode précédent, ce qui suffit à en faire un très bon jeu. Car malgré tout ce que j’ai pu dire plus haut, Metroid Prime 2 Echoes est un très bon jeu dans l’absolu, c’est un fait. Les nombreuses qualités du titre contrebalancent les défauts exposés et sont sûrement plus importantes que les détails que je soulève. J'ai surtout voulu montrer la face cachée de Metroid Prime 2, celles dont on ne parle pas en général, car les qualités évidentes du titre subjugent rapidement les joueurs. Le principal problème de Metroid Prime 2 est sa structure vraiment trop complexe et le fait que l'on n'ait pas l'impression d'avacer suffisemment au terme d'une session de jeu. Cependant, la justesse et l'excellence de certains passages viennent rapidement motiver le joueur.

Maintenant, le choc de la transposition de Metroid à la 3D n’y est plus, il ne reste que la base, solide, mais qui s’amenuise à cause de choix douteux. Bien entendu, Metroid Prime 2 est un achat qui s’impose sur Gamecube, malgré ses faiblesses. Néanmoins, ma conclusion est qu’il faudra faire bien mieux la prochaine fois, repenser ce qui fait la nature d’un Metroid, repenser l’équilibre de ses composantes et essayer de trouver des idées assez fortes pour nous faire redécouvrir Metroid. Une série ne subsiste qu’en évoluant, et Metroid Prime 2 manque d’évolution et perd le charme des anciens volets.

Yan Fanel, février 2005

Les points forts
Les points faibles
- Gameplay simple et intuitif
- De gros problèmes de rythme
- La réalisation soignée, bien que vieillissante
- Level design vraiment confus
- Les diverses trouvailles de gameplay (Ether sombre et armement)
 
- Les nombreux secrets