PRINCE OF PERSIA The Sands of Time

Plate-forme PlayStation 2 (PAL)
Genre Aventure / Action
Editeur Ubisoft
Développeur Ubisoft Montréal
Date de sortie 6 novembre 2003
Texte 17771 caractères
Captures 15

 

 

 

 

 

 

 

 

C’est après une absence de plus d’une dizaine d’années, que l’un des mythes fondateurs du jeu vidéo refait surface pour un revival de luxe mené de main de maître par le studio d’Ubi Soft Montréal. Le titre de Jordan Mechner reste l’un des jeux vidéo les plus connus, aussi bien chez les fans de consoles que d’ordinateurs, grâce aux multiples versions sorties. On passera sous silence le lamentable Prince of Persia 3D (Arabian Nights) sorti en 2000 sur PC et sur Dreamcast qui constitue une véritable insulte à la série pour se focaliser directement sur le véritable Prince of Persia en 3D, celui dont le nom restera dans la petite histoire du jeu vidéo.

L’objectif de redorer le blason de cet emblème du jeu vidéo est louable, d’autant que les premières vidéos du titre en question, Prince of Persia The Sands of Time, laissaient entrevoir des « gameplay features » particulièrement intéressantes, comme la possibilité de remonter le temps instantanément et de marcher sur les murs. Quelques mois ont passés, et Prince of Persia est enfin sorti sur PC et PS2, avant de s’attaquer à la Gamecube et à la XBox. Voici un petit tour de piste de ce titre, plutôt réussi, histoire de constater ce qu'il a effectivement dans le ventre.

Une narration particulièrement efficace
Prince of Persia The Sands of Time est l’exemple typique du jeu accompagné d'une narration intelligente. Le scénario est raconté comme s’il s’était déjà passé, mais chaque élément est expliqué. Le lien entre le scénario et le temps est particulièrement fort et habillement justifié. Les commentaires en direct du prince sont sérieux au début et puis les relations avec Fara vont l’amener à quelques écarts particulièrement drôles, ces dialogues et surtout ces monologues vont donner une petite touche d’humour qui n’est pas négligeable, plutôt distrayante. Le prince ne cesse d’interpeller le joueur, pendant les sauvegardes ou pendant les pauses, un peu à la manière de Rayman 3 (en moins lourdingue).

Certains passages alternatifs (qui n’ont jamais eu lieu) sont même décrits, si l’on rate un saut exemple, le prince explique qu’en réalité il a bien sauté au-dessus du précipice et invite le joueur à recommencer jusqu’à ce que ce dernier réussisse. L’interpellation du joueur et la narration donnent l’impression de lire un livre interactif. Le prince raconte son histoire et n’hésite pas à pousser le joueur, à lui donner indirectement des indications par l’intermédiaire de ses pensées. L’ensemble donne une narration de qualité, renforcée par un côté cinématographique très présent.

L’immersion et la cohérence sont également à l’ordre du jour, avec la présentation scénaristique des aspects importants du gameplay : remonter le temps avec la dague en appuyant sur le bouton L1 est traduit par "appuyer au bon endroit du manche de la dague par le Prince". C’est ce genre de petits détails qui renforcent l’immersion et créent une véritable cohérence de l’univers de jeu.

La narration est d’ailleurs servie par un level-design impressionnant, les divers lieux sont vraiment travaillés, font appel à différents mouvements (la panoplie est large). Le but n’est pas d’être physiquement capable de franchir une salle, mais avant tout de savoir comment la franchir. Une approche qui diffère de celle d’ICO, qui combine les deux types de difficulté avec un certain brio. Les grandes classiques du jeu de plate-forme répondent à l’appel : passages de recherche de sortie, passages en temps limité, interrupteurs… Un passage avec une caisse à pousser sur un interrupteur semble directement sorti d’un bon vieux Zelda (clin d’œil qui n’est que passager).

Les différentes capacités du joueur sont mises à contribution, même si on peut remarquer une certaine homogénéité dans la courbe de progression de la difficulté. Des passages du début sont parfois aussi complexes que d’autres plus loin dans le jeu, ce qui dommage. Une fois les commandes de base maîtrisée, il n'y a pas de véritable renouveau, hormis des passages sans la dague. La progression, en terme de difficulté, est imparfaite, pas assez progressive. Malgré ce point, les niveaux sont vraiment très bien faits et alternent différentes sensations de gameplay, à défaut d'avoir une courbe de difficulté très marquée.

Décomposition du gameplay
Impossible de parler de Prince of Persia The Sands of Time sans évoquer la grande nouveauté qu’il apporte dans le gameplay, le retour en arrière dans le temps. Egalement utilisé dans Blinx sur XBox (nettement plus confidentiel), ce principe permet de remonter le temps pour corriger ses erreurs. Cette technique est décisive, au niveau du gameplay, dans un jeu comme Prince of Persia où il peut y avoir des morts instantanées car elle évite la frustration du joueur et lui offre une certaine liberté d’essai. Pour faire le tour d’une salle, il est désormais possible de foncer un peu n’importe où, sachant que l’on peut s’en sortir indemne avec les sables du temps. Cette technique est très bien utilisée dans Prince of Persia, même si elle facilite beaucoup la tâche. Elle est parfaitement intégrée dans la narration du titre, par ailleurs.

Toujours au chapitre des nouveautés, des « flash-forward » (le contraire d’un flash-back) permettent d’anticiper la suite des événements et de progresser à un rythme régulier. Assimilés à des visions, ces flashs constituent un bon moyen d’éviter de bloquer le joueur pendant trop longtemps, même si ces flashs facilent énormément le titre, qui est déjà à la base très linéaire. Son emploi confirme la tendance générale de Prince of Persia vers davantage d’accessibilité et moins de difficulté.

La jouabilité est excellente, le prince réagit au quart de tour malgré son impressionnante panoplie de mouvements. Les commandes sont toutes très logiques (appuyer dans la direction opposée pour sauter d’une corniche à celle en face...). Tout est très simple à réaliser, presque trop simple même. Par exemple pour s’orienter en étant maintenu à un pilier, seules quatre directions sont possibles, ce qui simplifie énormément les différents passages. Tout est pensé pour faciliter la vie du joueur, pour lui procurer des sensations fortes sans trop de difficulté. Le tutorial est vraiment très simple et permet de faire des acrobaties rapidement. Prince of Persia est donc très accessible, avec une utilisation judicieuse des commandes contextuelles (le même bouton sert à différentes actions selon le passage).

Les combats sont un vrai plaisir, il n’y a pas de système de ciblage rigide, le prince est face à un ennemi quand il frappe mais peut s’en détourner à loisir. Cela donne des combats palpitants avec de nombreuses chorégraphies. Plusieurs coups sont disponibles, impressionnants et simples à réaliser (le leitmotiv du jeu en quelque sorte) comme la série de coup directe, le saut par-dessus suivi d’une attaque ou le coup avec appui sur le mur (un peu trop puissant). Pour les puristes, à noter qu’il est possible de varier la vitesse des coups (le personnage reste en pose pendant un certain temps pour enchaîner ses coups) et même de « cancel » (annuler) une série du coup pour se remettre en garde ou se déplacer. Cela donne des combats très dynamiques.

Cependant, on note des petits soucis dans certains combats, dès qu’un ennemi est à une certaine distance, le prince rengaine son sabre tout seul et du coup, peut réaliser des mouvements imprévus, comme grimper le long d’un mur alors que les ennemis ne sont pas si loin que ça. D’autant plus gênant que le bouton pour se mettre en garde est le même que celui pour grimper au mur, c’est juste le contexte qui change, et ce dernier évolue parfois rapidement. La fonction grimper au mur est désactivé quand le prince est en combat, mais il change parfois tout seul de contexte. La distance est confortable mais cela peut déranger dans certains passages (grimper au mur et finir dans un trou alors qu'on pensait se mettre en garde).

Le nombre de coup est un peu limité. Certes, Prince of Persia n’est pas un beat’em All mais une variété plus conséquente n’aurait pas été déplaisante. Il manque un véritable système de combos (avec « Launcher »), un peu plus libre ou alors quelques coups de plus (un coup large en se déplaçant par exemple). Il manque un petit quelque chose pour obtenir des combats spectaculaires (c'est le cas) sans être trop répétitifs (déjà moins le cas). A noter que les ennemis sont assez fair-play, ils n’attaquent pas quand on achève un de leurs compatriotes. Plus gênantes, les fréquentes téléportations des ennemis peuvent sembler de mauvais goût dans un jeu aussi ambitieux techniquement. Probablement une nécessité technique, mais qui peut se révéler choquante dans une jeu si abouti.

La caméra, de son côté, nécessite un temps d’adaptation car elle est complètement libre. Elle ne se recentre jamais derrière le personnage. Ce choix autorise un excellent contrôle de la caméra, avec moins de difficultés sur d'éventuels angles mal pensés mais requiert un effort supplémentaire pour le joueur. Il s’agit du même type de caméra que dans Splinter Cell, avec des plans plus larges, permettant une meilleure appréhension du décor. Une vue panoramique a été intégrée, en plus de la désormais classique vue interne. Cette nouvelle vue (à ma connaissance jamais utilisée jusque là) se révèle parfois très pratique. D’autre part, les sauts bénéficient parfois de changements d’angles de vue, pas trop violents fort heureusement, mais cela peut secouer parfois. Heureusement, la simplicité des commandes permet de ne pas trop souffrir de ce choix visuel, qui reste discutable.

De constants efforts de feedback ont été faits pour guider le joueur : présentation des ennemis, présentation des salles, commentaires scénaristiques ou différents angles de vue. Chaque présentation de salle retrace le chemin à parcourir. Un effort agréable, à combiner avec les « Flash-forward » pour avancer tranquillement, un peu trop tranquillement peut-être...

Des défauts qui peuvent nuire à l'expérience de jeu
La réalisation technique est de qualité. Les graphismes sont superbes, avec des couleurs agréables, pas trop saturées qui donnent une véritable ambiance. Les animations ont fait l’objet d’un très grand soin avec différentes étapes intermédiaires d’une fluidité remarquable. Je ne vais pas m’étendre sur la qualité technique du titre, bien décrite dans la presse mais plutôt passer à quelques remarques sur les points noirs du jeu, rarement évoqués. Prince of Persia The Sands of Time est incontestablement un jeu de grande qualité, mais des défauts viennent ternir son ambition.

Les morts sont parfois un tantinet brutales. La hauteur de chute amenant à la mort du prince est parfois vraiment limite. Il est capable de grimper très haut, mais la moindre chute suffit à le tuer, et d’une seule fois. Le prince peut s’en sortir en sautant à partir d’une certaine hauteur mais va se briser la nuque à un autre passage un peu moins haut, ce qui est plutôt étrange. La mort brutale est parfois utilisée pour forcer le joueur à se diriger où les designers veulent qu’il aille, pour l’empêcher d’accéder à certains endroits. Dommage que la cohérence ne soit pas parfaite à ce niveau, cela fait sortir le joueur de son immersion si durement acquise.

A l’instar de Splinter Cell, Prince of Persia est très linéaire. On enchaîne les salles sans aucune recherche, aucun embranchement, aucune possibilité de dévier du chemin. . ICO était meilleur sur ce point (et un poil plus difficile, moins évident dans ses passages). La linéarité n'est pas un véritable défaut, ceci dit, mais le syndrome "jeu-couloir" a encore frappé (symbolisé par Final Fantasy X ou Half Life). Un passage alternatif ou optionnel, ça ne fait jamais de mal (les passages secrets sont bien trop évidents et jamais éloignés du chemin obligatoire).

Cette linéarité, couplée à une courte durée de vie, à une forte tendance à la facilité et à une « rejouabilité » proche de zéro pénalise fortement Prince of Persia. Même des statistiques, des challenges artificiels ou autres auraient pu donner envie de jouer un peu plus à ce titre. Une fois bouclé, seul le plaisir pur incite à le refaire, ce qui n’est pas forcément le meilleur moteur de « rejouabilité ». C’est vraiment dommage.

Les commandes contextuelles sont parfois lourdes : impossible de sauter dans une direction sans être à un rebord. Cela mène à une impossibilité de franchir des pics par exemple, alors que le prince saute parfois très haut et très loin. C’est difficilement justifiable, autrement qu’en exposant des arguments de gameplay et de gestion de progression.

Toujours au chapitre des défauts, Prince of Persia est trop facile: à force d’aider le joueur, de le tenir par la main, de lui offrir des commandes très simples, on fini par créer un jeu trop évident. La visibilité du chemin en entrant dans la scène, les "flash-forward" parfois très explicites en sont des exemples, tout comme les réserves de vie inépuisables. La tendance est clairement visible, mais elle n’est pas forcément idéale car elle fini par entacher l’expérience du jeu. On a le sentiment de s’en sortir sans trop de montées d’adrénalines, sans avoir fournit d'éprouvants efforts. Il se crée un véritable décalage entre commande (appuyer sur tel bouton) et action (grimper, marcher sur les murs). Les commandes sont très simples et permettent des choses impressionnantes. Ce décalage très prononcé dans Prince of Persia laisse un goût étrange, rien n'est vraiment en mesure d'arrêter le prince, ses mouvements sont trop puissants. Le passage de la prison en est le point le plus marquant: très peu d'input (un bouton par ci, une direction par là) et des actions complètement folles. Voilà un point de gameplay très sensible.

Certains passages semblent mal maîtrisés. Le "boss" vers les 17% par exemple, est très ennuyeux, car on ne peut le toucher qu’après avoir vaincu plusieurs soldats. Rien n’indique qu’il s’agit d’une bataille dans la durée, on est tenté de faire le tour de la salle, d'imaginer autre chose. Et non, une fois les ennemis vaincus, on peut toucher le boss, sans qu'aucune explication ne soit donnée. Autre petit problème, lorsqu’on s’accroche à une barre horizontale, l’aide affiche qu’il est possible d’y grimper en utilisant le stick analogique gauche. J’ai réussi à me retourner sans problème, mais pas à grimper. Je n'ai même pas connaissance de cette commande dans le titre...

Toujours dans les petits défauts qui piquent, il y a des angles de caméra impossibles sur des chemins sans issus. Ce n’est pas parce que le chemin est sans issu qu’il ne faut pas accorder de soin à la caméra. Certains passages de sauts en aveugle sont existent (pour un passage où je m'étais trompé de chemin vers les 30% du jeu, un autre à un endroit indispensable). Quand je dis en aveugle, c'est aveugle complet ! Aucun moyen de passer en vue interne, ni d'orienter correctement la caméra. La caméra entre deux murs souffre d'ailleurs d'un mouvement très peu esthétique.

Enfin et c’est le plus grave, le jeu comporte encore des bugs, parfois de classe A (niveau maximum correspondant à un plantage de machine ou une impossibilité d’avancer). Dans la bibliothèque, la grande salle des miroirs, un ennemi "a fusionné" avec la bibliothèque en cours de combat. Dans un premier temps, je me dis que ce n'est pas gênant, et ça me fait bien rire (taper un ennemi qui ne bouge pas et qui fait le bruit d'une bibliothèque quand on le frappe c'est plutôt marrant). Du coup, mon équipière continue, inlassablement, d'essayer de tuer l'ennemi invincible. Dépité, j'explore la salle, je progresse un peu et là, mon équipière tombe dans les pics de la salle et meurt. Je retourne en arrière pour comprendre ce qui s'est passé et elle retombe de la même manière. Retour à la dernière sauvegarde pour comprendre ce qui s'est passé. Cette fois, je tue les ennemis et là, mon équipière passe par un chemin. La mort de l'intégralité des ennemis entraîne une scène indispensable pour avancer. En gros, le bug de l'ennemi dans ma partie précédente empêchait toute progression plus en avant, tout en étant complètement incohérent et débile (il s'agit d'un pur suicide de Fara). Un bug du même genre a été découvert dans les bains...

Conclusion
Le côté Revival, très présent, avec différents aspects de gameplay adaptés aux jeux modernes. Les commandes contextuelles, la possibilité de revenir en arrière sont les garants d’un plaisir sans frustration. Les combats sont très dynamiques et la qualité de la réalisation impressionne. Dommage que le prestige du titre soit entaché par une panoplie de défaut, malheureusement assez conséquente. De petites erreurs de jeunesse qui empêchent Prince of Persia d’être une complète réussite. Cependant, le plaisir que procure ce titre et ses qualités d’ensemble en font un titre largement au-dessus du lot. Un produit qui se distingue qualitativement, à défaut d’être vraiment parfait. Les temps de développements ne sont probablement pas étrangers à certains défauts cités plus haut.

Un revival de grand luxe, novateur et efficace, accessible et spectaculaire, qui peut plaire à un large public, mais qui ne satisfera pas complètement les « hardcore gamer », un peu sur leur faim. Le plus gros souci vient du manque de « rejouabilité » du titre (déjà observé dans Splinter Cell, pourtant une belle réussite).

Bien évidemment, Prince of Persia est tout de même un titre chaudement recommandé, qui laisse de bons souvenirs. L’expérience ne s’éternise pas, mais cela n’enlève rien à sa qualité. En résumé, il s’agit d’un très bon titre avec des bases solides, mais encore perfectible. Peut-être qu’un volet deux pourra rectifier les quelques erreurs de jeunesse de ce dernier. A noter que les versions Gamecube et XBox comporteront peut-être moins de bugs comme ceux évoqués plus haut.

Yan Fanel, février 2004

Les points forts
Les points faibles
- Un réel effort pour innover dans le concept
- Pas si novateur que ça...
- Des animations très fluides
- Beaucoup de bugs
- Les combats dynamiques
- Une replay value proche du néant
- L'ambiance et la direction artistique