SKIES OF ARCADIA

Plate-forme Dreamcast (US)
Genre RPG
Editeur Sega
Développeur Sega (Overworks)
Date de sortie 5 octobre 2000 (JP)
Texte 13766 caractères
Captures 15

 

 

 

 

 

 

Alors le voilà donc ce fameux Eternal Arcadia qui a fait sensation lors de sa sortie au Japon en s’imposant parmi les meilleurs RPG de la période actuelle. La version américaine de ce jeu est sortie quasiment en même temps que Final Fantasy IX US et autant dire qu'avec un monstre sacré de cette taille en face, il faut avoir de sérieux arguments pour pouvoir se distinguer. Anciennement dénommé « Project Ares », Eternal Arcadia était prévu à l'origine pour être le nouveau Phantasy Star de Sega, l'équipe d'Overworks étant composée d'anciens programmeurs de la fameuse saga qui a fait les beaux jours de la Megadrive. Renommé Skies of Arcadia pour les Etats-Unis et sûrement pour l’Europe, le petit bijou d’Overworks déboule sur Dreamcast, une machine pas forcément gâtée en matière de RPG qui cherche encore ses marques dans le domaine. Pour le moment, la plus haute marche est tenue par Grandia 2 de Game Arts, qui a parfaitement réussi à associer réaliser de luxe, système de combat très dynamique et traditionnel. Il est temps de voir ce que Skies of Arcadia a dans le ventre et de voir comment il se situe face à ce Grandia 2.

Approche de Skies of Arcadia
Une fois le CD inséré dans la Dreamcast (et le problème du câble résolu), on est tout de suite mis dans l'ambiance par l'introduction. Rien à voir avec les cinématiques fabuleuses des RPG Squaresoft, cette première approche du jeu donne envie d'aller plus loin dans ce monde peu commun (l'introduction est composée de la même manière que celle de Chrono Trigger sur SNIN c'est à dire des séquences de jeu compilées). Ici, on nage entre l'onirisme et le fantastique avec des déplacements dans un monde aérien composé d'îles flottantes et de nuages. S'il fallait la rapprocher d'un jeu, cette ambiance rappelle indiscutablement Bahamut Lagoon de Square sur SNES pour le côté aérien où les continents sont des îles flottantes. Le joueur incarne une bande de pirates au grand cœur qui va se retrouver plongé au centre d'événements qui les dépassent, comme dans tous bons RPG qui se respecte.
Les premières minutes donnent le ton, il s'agit d'un abordage mené par les Blue Rogues (dont Vyse et Aika, personnages principaux, font parti) contre un vaisseau d'une flotte impériale, dans le simple but de dérober le contenu du bateau pour aider la population.

Ce sont les qualités techniques de Skies of Arcadia qui sautent immédiatement aux yeux. La conception graphique est particulièrement travaillée avec des environnements chatoyants regorgeant de détails et de couleurs vives. Non seulement le moteur est l'un des plus performants vu sur la 128 bits de Sega pour l'aspect technique mais les décors sont bien pensés et contribuent à créer une véritable ambiance. Les textures sont fines, les couleurs flattent la rétine et certains effets climatiques comme le couché de soleil ou les rafales de vent achèvent définitivement le joueur qui a rarement vu une telle qualité. Le seul point critiquable au niveau graphique concerne l'utilisation intensive du mip-mapping, de loin tout est affiché sans le moindre clipping mais on voit assez facilement que les textures ne sont fines qu'à courte distance. Certains passages permettent même de voir les différentes lignes d'affichage des textures. Un détail qui ne remet absolument pas en cause la qualité graphique de ce jeu mais qui est visible. Il est assez étonnant de voir que l'ambiance peut se rapprocher d'un Zelda par certains cotés. Autre point essentiel dans un RPG, la musique. Sans atteindre les compositions des plus grands compositeurs du genre (Uematsu, Mitsuda…), les différentes mélodies sont très agréables et collent parfaitement à l'esprit du jeu. Les musiques sont franchement de qualité, très entraînantes et caractérisés. Si les musiques des villages ne sont vraiment pas terribles, certains thèmes comme celui de la grotte des pirates, des combats ou des affrontements en bateau sont vraiment sympathiques.

Par contre, la trame du scénario est très basique, comme les personnages. A aucun moment le joueur ne trouvera la profondeur des jeux de Squaresoft dans le genre, et pourtant tout est crédible. Pris dans cette ambiance, le joueur a envie d'avancer. Les personnages sont attachants et les événements se succèdent à un rythme effréné. Le jeu est d'ailleurs très bien découpé en ce qui concerne l'alternance exploration/combats, c'est même peut-être le gros point fort du jeu. Il faut vraiment ne pas accrocher au jeu pour s'y ennuyer. Les niveaux sont justes à la bonne taille, ni trop courts, ni trop longs, les points de sauvegarde sont toujours bien placés. On se retrouve avec une structure très solide qui vient contrebalancer la trame un peu simple de l'ensemble. Les personnages jouables sont en nombre réduits mais le joueur croisera un nombre conséquent de nouvelles têtes tout au long du jeu. Aucun problème en ce qui concerne l'intérêt de jeu, Skies of Arcadia n'est pas très long (comptez tout de même une quarantaine voire une cinquantaine d’heures) mais il est passionnant mais on peut regretter un nombre de sous-quêtes assez réduits comparé aux Final Fantasy. Mais le grand intérêt d'un jeu est de captiver le joueur, ce que Skies of Arcadia parvient sans difficulté.

Système(s) de combat
Le système de combat reprend les grands classiques du genre, quatre personnages, un tour par tour relativement basique mais une petite originalité change complètement la façon de jouer. Une barre en haut de l'écran mesure la puissance du groupe. C'est par son intermédiaire que le joueur a accès aux commandes spéciales comme les sorts ou les techniques. Cette barre se remplie au fil du combat mais le joueur peut la faire monter en se concentrant. Ce qui aurait pu être un système très limité ouvre le chemin à une gestion tactique assez agréable qui relance complètement l'intérêt des combats, qui auraient été bien fades sans cela. Des combats simples mais efficaces dont les seuls défauts sont les temps de chargement assez long et surtout une comparaison qui joue en leurs défaveurs par rapport à la concurrence. Petite originalité, plusieurs couleurs sont disponibles pour frapper son adversaire, en switchant quand bon vous semble mais cette idée est assez peu exploitée, malheureusement, et loin d’être décisive.

Par contre, les combats en bateaux, grosse originalité du jeu sont particulièrement bons, intelligents, jouissifs et extrêmement bien exploité (tantôt en affronte les boss à pieds, tantôt on les affronte à grands coups de cannons). Un autre grand point de ce jeu sans aucun doute. On regrettera simplement que les duels en canons aient franchement tendances à s’éterniser, on peut rentrer les commandes, aller prendre un café et revenir ensuite.

Ce défaut s’applique également aux combats qui sont inutilement lents. Les personnages mettent un temps fou à se déplacer vers les ennemis pour faire leurs actions. Les animations sont assez mal dosées au niveau timing et font nettement perdre en dynamisme, un défaut flagrant en face d’un Grandia 2 qui a la pêche. Skies of Arcadia est un jeu bourré de qualités, mais certains autres points méritent d'être évoqué, notamment par rapport à la concurrence sur la même machine. Ces points sont assez spécifiques, c'est pour cette raison qu'il vaut mieux les évoquer dans une partie plus détaillée et en comparaison avec l'autre grand RPG de la Dreamcast, Grandia 2.

Skies of Arcadia vs Grandia 2
Les qualités graphiques n'étonneront pas celui qui a déjà fait Grandia 2. C'est fin, très fin même mais ce n'est pas au niveau purement technique que la différence se sent, Grandia 2 était déjà très beau (et plus détaillé pour les intérieurs). Après quelques heures de Skies of Arcadia, on remarque que le travail de conception graphique dépasse largement celui trop classique de Grandia 2 (grotte, caverne, château, forêt…les grands classiques). Skies est plus recherché, plus innovant à ce niveau, et de ce fait plus agréable. Autre élément essentiel, la vue. Autant dans Grandia comme dans les Final Fantasy, on a le sentiment de simplement traverser de jolies décors, autant la vue plus proche de Skies of Arcadia permet une plus grande immersion dans les différents lieux et l’on voit là l'importance de la 3D et ce qu'elle apporte par rapport à la 2D. En fait, si la qualité graphique est très proche de Grandia 2, l'univers de Skies qui remporte la palme haut la main.

La modélisation des personnages est également du même niveau avec une petite avance pour Skies grâce aux expressions des personnages qui sont en 3D (contre les dessins 2D de Grandia 2). Les visages sont tout de même très dépouillés et rappellent parfois les Zelda sur Nintendo 64. Il faut dire que le nombre de personnage est vraiment énorme et qu’il faudrait un budget démesuré pour les peaufiner un par un. Pour continuer sur le plan technique, le champ de vision est largement plus étendu dans Skies of Arcadia grâce à la vue choisie et ce dernier porte vraiment loin. Cela renforce encore l’immersion et donne l’impression de vraiment faire parti d’un monde gigantesque, d’en voir l’horizon, alors que les perspectives de Grandia 2 étaient vraiment trop peu ouvertes. Dans Skies of Arcadia, les effets sont très fins et même si l’on ne retrouve pas la puissance démesurée de Squaresoft dans le genre, la finesse surprends, bien plus que dans Grandia 2 en tout cas (Dragon d'éclair mis à part). Par contre, les voix se résument à des mots alors que les séquences importantes de Grandia 2 étaient parlées, ainsi que les attaques, ce qui donnait la pêche aux combats. Au niveau du son, point de discussion possible, Grandia 2 était plutôt quelconque sur ce point et Skies fait nettement mieux (hormis le thème des combats de Grandia 2, très réussi ainsi que quelques autres thèmes), les musiques contribuent largement à l'ambiance de ce jeu d'exception.

Grandia 2 était incontestablement un très bon RPG, solide, « old school » pourrait-on dire avec une très bonne réalisation et un système de jeu agréable. Skies of Arcadia apporte bien plus mais se voit un peu gâché par des petits problèmes. Les combats de Grandia 2 sont incontestablement plus dynamiques et dans l'ensemble mieux gérés mais Skies of Arcadia se révèle autrement plus immersif. On ne traverse pas bêtement les lieux en attendant une scène, on est totalement impliqué dans l'aventure. Après quelques heures de jeu, on est déjà bien familiarisé avec l'univers et on a qu'une seule envie, aller plus loin. La marque d'un grand jeu. Et bien que les personnages ne soient ni tourmentés ni biens complexes, ils sont attachants car très vivants et humains, d'ailleurs les dialogues du jeu sont soignés et bourrés de bon sens, comment faire rimer simplicité avec efficacité en une leçon par Sega.

La bonne humeur ambiante n'est pas sans rappeler Grandia premier du nom (fraîcheur naïve dans un sens) et ce n'est pas un mal, même si on est loin de la profondeur des scénarios et des personnages de Squaresoft. Grandia 2 se boucle en maximum 30 heures, Skies of Arcadia est plus long (40 heures) et passionne le joueur de bout en bout. Un vrai tour de force et on ne peut que s'incliner devant la maîtrise d'Overworks de ce point de vue. Les seuls reproches que l'on peut faire à Skies sont d'une part, un système de combat classique mais trop lent (alors que Grandia 2 proposait un des plus dynamiques et agréable), une fréquence de combat trop élevée sur la carte (comme dans les Square…) alors qu'elle est idéale dans les donjons. Autre petit défaut, le joueur n’a pas des tonnes de paramètres à gérer comme dans les FF, les Tri-Ace (Valkyrie et Star Ocean) ou les habilités de Grandia 2. La partie gestion est trop réduite. Enfin il a peu d'ennemis différents qui ont été modélisé mais c'est également le cas de Grandia 2, on se retrouve bien trop souvent avec des variantes de couleurs différentes.

Conclusion
Skies of Arcadia n'est pas parfait, certains défauts risquent de gêner certains joueurs mais globalement il est très abouti et surtout captive complètement le joueur qui saura faire abstraction de ses quelques défauts. Skies est un jeu perfectible, ne serait-ce qu'en comparaison avec certains points de Grandia 2. Pourtant, je ne peux m’empêcher de penser que Skies of Arcadia apporte bien plus que Grandia 2, et si les deux sont globalement équivalents, on retrouve plus de qualité chez Skies of Arcadia mais également plus de défauts.

Toutefois, l’aventure est tellement belle, l’univers est si aérien, si agréable que l’on ne peut qu’être subjugué. On peut noter quelques similitudes avec Tenku no Shiro Laputa, film du studio Ghibli inspiré par les récits de Jonathan Swift (Les voyages de Gulliver) et réalisé par Hayao Miyazaki comme les continents aériens, une histoire pas si éloignée et la présence de pirates qui ont le beau rôle. Il s’agit sûrement de la plus forte inspiration de Skies of Arcadia, et ce n’est pas un mal d’ailleurs. Ce film de Miyazaki n’est pas seule inspiration puisqu’on sent également un petit côté du film Kaze no Tani no Nausicaa (Nausicaa de la vallée du vent), notamment chez les géants que l’on ne doit pas réveiller. On ne peut pas dire que les influences chez Overworks ne soient pas de qualité ! Heureusement, si les références sont flagrantes, elles sont tout de même bien insérées pour donner au final une œuvre bien différente de celles citées plus haut. On retrouve cette même magie, cette fascination pour tout ce qui est aérien.

Pour ma part, j’ai énormément apprécié Skies of Arcadia pour son univers et ses décors. L’aventure est vraiment agréable, avec un bon rythme et sans les quelques défauts mentionnés plus haut, Skies of Arcadia aurait été vraiment exceptionnel. Il mérite toute la considération des fans de RPG, même si les Final Fantasy sont encore loin devant.

Yan Fanel, 2000

Les points forts
Les points faibles
- L'univers onirique
- Le rythme des combats, épouvantable
- La simplicité et la fraîcheur des personnages
- Les combats trop fréquents en bateau
- Les combats en bateau bien trouvés (mais trop lents...)
 
- L'ambiance sonore