BREATH OF FIRE 2

Plate-forme Super Nintendo (US)
Genre RPG
Editeur Capcom
Développeur Capcom
Date de sortie 2 décembre1994 (JP)
Texte 12594 caractères
Captures 15

 

 

 

 

 

En 1993, Capcom se mettait sérieusement au RPG en créant sa propre franchise, Breath of Fire, qui venait se confronter aux mastodontes du genre, Dragon Quest et Final Fantasy. Sans atteindre l’excellence des meilleurs épisodes de ces deux séries, Breath of Fire disposait de nombreux atouts : une qualité globale très satisfaisant, de petites innovations glissées un peu partout et une ambiance unique. Squaresoft se chargea même de distribuer le jeu aux Etats-Unis, une excellente résolution qui permettait de rassasier les fans du genre, après Final Fantasy IV (renommé 2 aux Etats-Unis) et en attendant Final Fantasy VI (renommé 3), malgré une boîte d’un goût douteux (comme dans la majorité des boîtes américains, soit dit en passant). 1994, Capcom remet rapidement le couvert dans un épisode 2, qui permet de mesurer les ambitions de ses géniteurs : faire une autre série incontournable du RPG japonais. La problématique posée par ce Breath of Fire 2 est de savoir si Capcom va pouvoir répéter son coup de maître. Des questions sous jacentes apparaissent, concernant la continuité de l’histoire, la réutilisation de l’univers ou des personnages de tardent pas à se former dans l’esprit des amateurs du genre. Capcom a-t-il choisi le style Dragon Quest (plusieurs trilogies) ou le style Final Fantasy (chaque épisode différent) ? C’est ce que nous allons voir dans cette critique de Breath of Fire 2.

Nouveau départ, nouvelle histoire...
Les débuts de Breath of Fire 2 donnent le ton, il s’agit d’une toute nouvelle aventure qui n’évoque en rien les événements du premier épisode. Il ne s’agit plus d’une lutte de clan entre les dragons et les dragons noirs, l’héritier du dragon et sa sœur ne sont plus de la partie, même si le héros se nomme toujours Ryu. Au lieu de la trame relativement bateau (mais efficace) de la recherche du pouvoir et de l’annihilation du clan des dragons, Breath of Fire 2 exquise vaguement sa trame les premiers instants pour l’embrumer durant de longues heures ensuite. Le joueur contrôle un petit bonhomme dont on ne sait rien, qui habite un petit village. Après une promenade, il revient dans son village natal mais plus personne ne le reconnaît. Son premier allié sera un voleur avec qui il liera amitié. L’univers apparaît très différent mais dans la continuité du premier volet, avec une différence notable : il est possible de sauvegarder dans les églises ou bien en face d’une statue de dragon. Un détail qui n’est absolument pas anodin, on peut même dire que c’est la parfaite représentation du thème central du jeu.

Breath of Fire 2 a choisi de s’écarter de son prédécesseur : le contexte est différent, les personnages ne sont plus les mêmes et les thèmes se veulent plus profonds. Dans les premiers temps de l’aventure, on se prend à regrette le côté dramatique du premier volet, qui commençait fort avec la destruction du village du héros et la perte de sa sœur. Breath of Fire était une lutte contre l’ennemi simple mais tragique. A l’inverse, Breath of Fire 2 met énormément de temps pour faire apparaître son enjeu. Les premières heures sont composées de quêtes toutes aussi anecdotiques les unes que les autres qui peinent vraiment à trouver unité et cohérence. Le groupe se compose à la manière de n’importe quel RPG, au fil des rencontres : certains personnages viennent vous prêter main forte, d’autres attendent d’être sauver pour embrasser votre quête. La première moitié de Breath of Fire 2 est réellement décevante : les innombrables allers-retours combinés à des quêtes et des mises en situation de personnages vraiment faiblardes, le joueur a le sentiment d’être perdu tant il n’y a aucun unité dans la quête.

Pourtant le groupe commence à se composer, certains thèmes commencent à être esquissés (mais ils contrastent avec le côté anecdotique du reste), et les pouvoirs du héros sont dévoilés. La seconde partie démarre tardivement, mais le jeu ne cesse de s’améliorer ensuite. Les personnages sont développés de manière très posée, chacun dans son contexte, ce qui permet de mettre en valeur les différents aspects de leurs personnalités et de donner corps à l’univers. Finalement, passées les premières heures franchement laborieuses, Breath of Fire 2 parvient à renouer avec son prédécesseur, tout en proposant des thèmes plus profonds. Breath of Fire 2 oscille entre le RPG très moyen dans ses débuts pour monter progressivement en puissance et atteindre l’excellence sur la fin. Ce manque de rythme et cette irrégularité pénalisent le titre, qui aurait pu être nettement meilleur dans ses débuts. Néanmoins, l’histoire se révèle intéressante, précurseur sur certains thèmes.

Dissection de Breath of Fire 2
Par rapport au premier volet, Breath of Fire 2 reprend les meilleurs ingrédients et essaye de faire varier un peu le tout. Tout d’abord les combats ont conservé leur dynamisme (contrairement aux déplacements qui sont toujours lents…) et la nouvelle interface, reposant sur des barres d’état est particulièrement lisible. Les graphismes ont été nettement améliorés avec des sprites plus gros et mieux animés, alors que le design général est encore meilleur. Les combats sont agréables, et c’est un point important, étant donné la fréquence des combats (toujours aléatoires). La commande « Auto » a été conservé, pour le plus plaisirs des fainéants ou tout simplement pour ceux qui veulent un certain confort. Il est toujours possible de reprendre la main à chaque tour et la majorité des combats se règlent avec cette option, ce qui est assez agréable.

En revanche, les pouvoirs du héros ne s’utilisent plus du tout de la même façon, et c’est une petite régression. D’un côté, les combats tournaient à la facilité avec les transformations du héros (la dernière était assez apocalyptique et détruisait complètement l’intérêt des combats). La formule choisie pour ce volet n’est pas parfaite mais elle amène une gestion très différente du héros. Ce dernier peut déchaîner un de ses pouvoirs quand il le désire, mais au prix de la totalité de ses points de magie (AP). La gestion change radicalement car on a tendance à utiliser très peu ces pouvoirs, sauf dans les grandes confrontations ou lorsqu’un moyen de se recharger est présent. Cela signifie que les items permettant de récupérer ses AP sont décisifs, du début à la fin du jeu, car la clé du succès repose sur la puissance du héros. L’autre impact concerne les passages permettant de faire du leveling : dès que des ennemis correctes vont se manifester à côté d’un moyen de se recharger, c’est le son de trompette pour le leveling.

Comme à l’accoutumée, les niveaux vont très vite au début (plusieurs niveaux franchit en une heure de jeu) et deviennent de plus en plus longs ensuite. L’équilibre de Breath of Fire 2 à ce niveau est d’ailleurs exemplaire car le leveling n’est jamais rébarbatif, dès que l’on trouve les bons endroits où s’entraîner par rapport à son niveau. D’ailleurs, le jeu est plus long que le premier et surtout plus dur ! Le leveling est impératif à certains passages et il vaut mieux se préparer durant de longues heures pour le dernier chapitre. Avec un peu d’entraînement, on peut monter jusqu’au niveau 50, bien au-delà de ce qu’il était raisonnable de faire dans le premier. La principale difficulté vient de la gestion de ses ressources et de certains combats un peu ardus. Les secrets sont nombreux et permettent de valoriser ceux qui se donnent la peine d’exploiter le jeu. Malheureusement, le côté secret et optionnel des items est un peu laissé de côté, en comparaison du premier opus. En revanche, les moyens d’augmenter ses personnages sont nombreux (augmentation d’équipement, leveling, augmentation de statistiques, fusions…) et il faut vraiment en abuser sur la fin, jusqu’à se composer une équipe de gros bills monstrueux.

En remplacement des fusions de Karn dans le premier épisode, des esprits ont été ajoutés et chaque personnage peut changer de puissance et d’apparence suivant les combinaisons d’esprits faites par le joueur (sauf le héros, qui n’en dispose pas). Ce petit détail est vraiment excellent car en fusionnant avec des esprits, les personnages deviennent vraiment plus puissants et leur changement d’apparence a un côté mystique, apportant une grande source de satisfaction au joueur qui a trouvé la bonne combinaison. Toujours à propos des personnages, les pouvoirs ont été repris et accentués, comme la possibilité de casser les blocs, de traverser les forêts ou de franchir des précipices. Si l’univers change, il est vraiment très agréable de retrouver certaines villes et personnages du premier. Ainsi, on retrouve les villes de Tunlan et de Guntz et on peut croiser certains personnages dans l’aventure, comme Karn par exemple. Mieux encore, un personnage caché du premier opus peut se joindre à l’équipe ! Capcom a parfaitement compris qu’il fallait faire plaisir aux joueurs s’étant aventuré sur le premier et les références font franchement plaisir.

Précurseur sur certains points
Après avoir fait un petit tour d’horizon de ce Breath of Fire 2, j’aimerais développer sur deux aspects sur lesquels il me semble être le précurseur. Tout d’abord, le thème central du jeu. Comme je l’ai vaguement expliqué plus haut, il y a deux manières de sauvegarder et l’univers du jeu est basé sur cela. La religion tient une place de choix dans cet épisode, plusieurs dieux sont vénérés, il y a plusieurs cultes et le thème de la religion se retrouve tout au long du jeu. Les anciennes croyances parlent du dieu dragon, alors que les enseignements de l’église permettent à la population de vivre en harmonie. Pourtant, il y a quelque chose qui cloque dans cet univers et Breath of Fire 2 fini par tourner à la critique avouée de la religion, moyen de contrôler les masses et plus encore. Breath of Fire 2 aborde le thème de la religion de la même manière qu’un autre RPG, un certain Xenogears de Squaresoft. Sans être aussi complexe, Breath of Fire 2 posait des bases dans le domaine et le scénario de ce dernier révèle sa vraie teneur dans les tous derniers passages. C’est assez frustrant, mais il faut vraiment aller loin dans le jeu pour se rendre compte que Breath of Fire 2 est bien construit et plus profond que le commun des RPG. On trouve certains thèmes comme la mémoire, le sacrifice, le lien familial et de nombreux autres, qui ne sont exploités au bout, mais qui donnent tout de même une sacrée richesse à cette aventure. C’est dans ce sens qui Breath of Fire va plus loin que le premier opus, et il se montre précurseur d’un RPG majeur de la génération de console suivante.

Une autre idée semble anodine, il s’agit de la possibilité d’avoir une base et d’enrôler des personnes dans cette base. Au fur et à mesure du jeu, votre héros et son groupe en viennent à créer une cité, qui va se développer peu à peu, une sorte de refuse pour les gens qui ne trouvent pas leur place ailleurs dans le monde. Cela permet de bénéficier de nouvelles possibilités et d’avantages considérables, même s’il faut prendre garde à embaucher les bonnes personnes. L’un des défauts est justement de devoir choisir sans avoir les moyens de le faire, c’est de loin l’aspect le plus frustrant du jeu. Une autre série de RPG reprendra ce concept et l’enrichira, il s’agit de la série des Suikoden de Konami sur PlayStation (puis PlayStation 2). Il est assez amusant de constater ce genre de similitude, car Suikoden marque les grands pas de Konami dans le RPG, comme Breath of Fire marquait l’entrée de Capcom dans le domaine.

Conclusion
Breath of Fire est irrégulier mais d’une grande richesse. Si le premier avait un charme unique qui le fait rester, à mes yeux, mon préféré, ce volet deux témoigne d’une bonne maîtrise du genre et bénéficie de nombreuses améliorations qui le rendent vraiment très bon. Le système de fusion des personnages est tout simplement excellent et il y a énormément de secrets à découvrir pour augmenter ses personnages. Breath of Fire 2 est bourré de ces petits trucs qui font la différence. D’une qualité irrégulière mais suffisamment motivante pour avancer, Breath of Fire 2 est un très bon RPG et c’est uniquement le côté affectif de l’ambiance qui me fait préférer le premier épisode. Quoiqu’il en soit, s’il est loin d’être parfait, ce Breath of Fire 2 marque tout de même une étape dans la série et se révèle aussi important que le premier. Un incontournable sur SNES, d’autant qu’il a été traduit en anglais (avec une jaquette dont la laideur n’a d’égale que celle du premier). Une belle réussite pour Capcom qui parvient à créer sa propre série de RPG, comme Namco avec Tales of Phantasia ou Konami plus tard avec Genso Suikoden.

Yan Fanel, janvier 2004

Les points forts
Les points faibles
- La réalisation de qualité
- L'ambiance sonore est un peu légère
- La grande richesse, surtout au niveau des petits secrets
- Rythme irrégulier
- Le scénario et les thèmes abordés
 
- Les fusions esprits / personnages  
- La consistance de l'aventure, assez copieuse