HALF LIFE

Plate-forme PC CD-rom puis PlayStation 2
Genre First Person Shooter
Editeur Sierra
Développeur Valve Interactive
Date de sortie 31 octobre 1998
Texte 10899 caractères
Captures 15

 

 

 

 

 

 

 

Sorti en 1998 sur PC CD-rom, Half Life a bouleversé le monde du First Person Shooter par sa mise en scène et la qualité de son ambiance. Un succès qui ne s’est jamais démenti au fil des années, d’autant que le fameux Mod Counter Strike lui a offert une nouvelle vie. Ce succès mondial a laissé à Valve les mains libres de toutes contraintes pour envisager une suite d’une qualité extraordinaire. Pour l’heure, il s’agit plutôt d’analyser les particularités d’Half Life, celles qui en ont fait un succès d’estime et commercial. Un hommage pour l’un des jeux les plus marquants de l’histoire des jeux vidéo, le père fondateur d’une certaine forme de narration couplée à l’interactivité qui a su renouveler un genre qui s’embourbait dans un océan de poncifs et de clones tous aussi inintéressants les uns que les autres (à quelques exceptions près, fort heureusement). Si Doom avait moderniser le genre plus en faire un délicieux concentré d’action et d’oppression, si Quake avait franchit le pas de la 3D pour davantage d’immersion avec un level design impressionnant, Half Life est parvenu à donner au genre ses lettres de noblesse, à le transformer en expérience de jeu unique capable de marquer émotionnellement le joueur et de le projeter dans un univers cohérent.

Introduction à l'univers de Half Life
Half Life commence fort par une séquence d’inactivité de plusieurs minutes assez troublante, qui le mérite d'innover au risque d'ennuyer. Durant cette séquence, le joueur est spectateur d’une présentation du complexe de Black Mesa où travaille un certain Gordon Freeman, le personnage qu’il incarne. Monsieur Freeman est un chercheur reconnu et apprécié avec une détermination en acier trempé. Les premiers pas dans l’univers d’Half Life sont très convaincants : le complexe est envisagé de manière réaliste avec un souci du détail très poussé. Les autres personnages semblent bien connaître Gordon ce qui contribue à plonger immédiatement le joueur dans l’action. Les PNJ sont dévoilés de manière convaincante par leurs actions, ce qui permet de les caractériser au mieux sans ralentir l’action et l’immersion par des scènes non interactives. Ce choix de ne jamais couper l’interaction et l’immersion est un parti pris audacieux à l’heure où de nombreux jeux développaient les cinématiques en images de synthèse (Final Fantasy) ou avec le moteur de jeu (Metal Gear Solid). Malgré ce que l’on peut en dire, il ne s’agit pas d’un choix foncièrement meilleur, mais d’un choix qui prend le pari de renforcer l’immersion de tous les instants, qui prend la peine de développer son environnement pour lui offrir une place de choix dans cette expérience. Plutôt que de découper le jeu entre séquence interactive et non interactive comme les autres jeux désirant s’inspirer du cinéma, le choix fait par les développeurs de Half Life montre que l’on peut obtenir de bons résultats dans une narration essentiellement interactive.

L’autre détail décisif est le découpage du jeu, en effet Half Life n’est pas structuré en niveau comme la plupart des FPS mais se déroule de manière tout à fait continue, avec simplement des temps de chargement entre les passages. Un parti pris qui fonctionne plutôt bien, permettant à Valve de structurer le jeu comme un film avec des chapitres. Les premiers pas de Gordon sont très calmes, ce qui est bien entendu de très mauvais augures et le complexe ne tardera pas à se transformer en véritable enfer sur terre à la suite d’une expérience scientifique qui a mal tournée. C’est ainsi que débute réellement le périple de Gordon dans le complexe de Black Mesa, un Gordon Freeman qui n’est pas au bout de ses peines…

La grande force d’Half Life est ce mélange d’événements scriptés et de mise en scène de haute volée. Dès le début le ton est donné, Gordon n’est en sûreté nulle part : des monstres surgissent de n’importe où, des murs explosent, le danger est omniprésent. Le complexe si froid au début devient un véritable cauchemar où le but est de survivre par tous les moyens possibles. L’univers d’Half Life est particulièrement cohérent et bourré de passages secrets. Chaque tuyau peut renfermer un passage à emprunter, chaque mur peut apporter un ennemi, chaque passage nécessite de sérieuses précautions. Finalement, il se passe tellement de chose dans l’univers d’Half Life qu’on a vraiment l’impression d’être dans un univers interactif, alors que pendant un long moment, le joueur n’est que dans un couloir de luxe où il se passe des centaines d’événements scriptés, qui finissent par devenir lassants, soit dit en passant.

Des passages émotionnellement puissants
Les moments forts sont très courants dans Half Life, à l’instar d’un certain Metal Gear Solid. L’explosion qui amène la trame scénaristique est un modèle du genre, tant il règne un sentiment d’oppression, d’autant que le joueur ne peut même pas « se cacher » dans les cinématiques, il lui est impératif de rester concentrer sur l’interactivité, car des choix d’une seconde peuvent apparaître, des possibilités qui ne laissent la place qu’à un instant de réflexe de survie. Dans ces débuts, les ressources sont alors très limités (munitions, vie…) comme dans un bon Survival-Horror et les ennemis, même s’ils sont encore petits, font vraiment peur à cause de cette pénurie de moyens. Ce sentiment ne fait que se renforcer avec l’ambiance sonore et les divers événements scriptés qui ponctuent chaque salle. Il n’y a pas vraiment de musique dans Half Life, toute l’ambiance repose sur les bruitages : bruits de tirs, gémissements de créature ou communications entre les gardes, le son est à l’image de l’ennemi, il peut venir de partout et annonce souvent un danger immédiatement.

La progression se fait plus classique par moment, un superbe « ride » de luxe qui se révèle parfois oppressant par le côté exigu de ses couloirs plein à craquer de script. Par la suite, Gordon devra affronter des créatures invulnérables par deux fois et se démener pour enclencher des mécanismes afin de les réduire à néant. Ce sentiment d’incapacité est particulièrement bien exploité ici. On s’y fait rapidement, après quelques morts, le joueur fini par comprendre qu’il ne passera par la force mais l’alternance est vicieuse : le premier « boss » du jeu, un ennemi à trois têtes réagit en fonction des sons et Gordon doit ramper ou attirer son attention ailleurs pour passer. La tension dans ce genre de passage est extrême. Le second est différent puisque Gordon doit atteindre un générateur électrique poursuivit par un puissant monstre. Ces deux passages sont d’une narration puissante, ils déclenchent de véritables moments de panique que seule la présence salvatrice de la Quick Save parvient à atténuer.

Que ce soit ces moments de tension, le combat contre les redoutables marines, le face à face avec un hélicoptère ou avec des tanks, le passage où Gordon est capturé et envoyé dans un broyeur d’ordure, Half Life impressionne plus d’une fois durant son développement. Autant de séquences de jeu qui resteront gravées dans les mémoires, d’autant que le choix de rester dans la narration interactive et environnementale rehausse l’intérêt de ces scènes pour en faire des moments d’exaltation uniques.

Une expérience de jeu unique mais perfectible
Les qualités d’Half Life sont énormes et ont contribué à faire de lui un titre de référence. Néanmoins il n’est pas exempt de défauts, loin de là. Tout le prix à payer pour autant d’événements scriptés est lourd : une énorme linéarité, surtout visible dans les débuts du jeu. Gordon évolue de couloir en couloir en faisant face aux diverses menaces. Au début le joueur est sous le choc mais on s’habitue rapidement et on se demande qu’est-ce qui va arriver ensuite. Gordon est obligé de passer par ces couloirs pour progresser, il n’y a que peu de passages alternatifs et ils se rejoignent bien vite. La suite du jeu s’améliore mais on a vraiment l’impression d’être baladé d’un bout à l’autre des salles dans les débuts du jeu. Ce sentiment se retrouve tout au long du jeu, mais s'atténue par la suite, les environnements devenant plus larges. On sent bien que le level design est structuré passages par passages et finalement, cela devient un enchaînement quasiment mécanique, très bien fait, mais qui ne laisse guère la place à des choix plus intéressants.

Ensuite, Half Life comporte un certains nombres de difficulté de jouabilité. Prendre une échelle peut être un vrai calvaire, d’autant que Gordon perd des points de vie pour chaque échelle manquée. Avoir à se baisser après un saut n’est pas une action qui vient naturellement et semble vraiment illogique. Enfin dans les différentes versions que j’ai pu essayé, il n’est pas rare que je me sois retrouvé bloqué. Activer un levier trop près, se retrouver dans un endroit où l'on est pas censé aller (sur le barrage notamment, je me suis retrouvé en bas, en face des tuyaux avec un mur invisible en face de moi et aucune issue). Sur une version, il m’est arrivé d’être écrasé par tous les ascenseurs que je prenais, il fallait sauter à un moment précis, ce qui est plutôt étrange. Dommage qu’un jeu de cette qualité soit terni par ce genre de défauts.

Le plus grave, mais il n’est pas inhérent à ce titre, est finalement la présence d’une Quick Save qui atténue lourdement l’expérience proposé par ce titre car n’importe quel joueur a tôt fait d’en user et abuser. Une petite perte d’un point de vie ? Hop, retour à la sauvegarde. Une munition gaspillée ? Même combat. Finalement, la Quick Save joue le rôle d’une atténuation aux catastrophes qui s’enchaînent devant nous. L’erreur n’est jamais sanctionnée de manière brutale, et on passe systématiquement son temps à sauver / recharger la partie pour optimiser son parcours, alors que les passages se veulent impressionnant. Une impression de sûreté permanente qui ne colle pas nécessairement avec l’univers et les niveaux en place, qui auraient pu se retrouver autrement plus traumatisant sans cela.

Conclusion
L’expérience Half Life est unique à plus d’un titre. Ce jeu a marqué un tournant dans l’histoire du FPS, le rendant encore plus oppressant et intelligent. Malgré ses défauts, il reste une valeur sûre et une évolution majeure, comme Doom, Quake (pour les PC) et Golden Eye 007 (pour les consoles) en leurs temps. Ce choix de la narration interactive est intelligemment disposé dans les scènes fortes du jeu et la précision du level design ne fait que rendre cette expérience plus immersive. Half Life a marqué une étape en matière d’immersion dans le jeu vidéo, tout en restant purement un jeu vidéo, sans aucune perte d’interactivité, dans un contexte qui glorifie les prouesses graphiques précalculées. Plus qu’une aventure de plus, Half Life est une expérience marquante du jeu vidéo, qui pousse plus loin les possibilités de ce média grâce à des choix rondement développés et une grande cohérence, aussi bien dans son univers que dans son gameplay.

Yan Fanel, novembre 2001

Les points forts
Les points faibles
- Le mélange d'interactivité et de narration
- La succession de couloirs (luxueux, mais couloirs tout de même...)
- Les nombreux événements scriptés couplés à une IA intéressante
 
- L'ambiance oppressante
 
- Les nombreuses scènes impressionnantes  
- La longueur et la consistance de l'aventure