RADIANT SILVERGUN

Plate-forme Sega Saturn (JP)
Genre Shoot'em up
Editeur ESP
Développeur Treasure
Date de sortie 23 juillet 1998 (JP)
Texte 18059 caractères
Captures 15

 

 

 

 

 

 

Radiant Silvergun est considéré, à juste titre, comme l’un des meilleurs jeux de tirs jamais réalisés et incontestablement l’un des titres phares de la défunte Saturn. Derrière ce titre culte, Treasure, une petite équipe de développement, connue pour réaliser des jeux d’action frénétiques et développant essentiellement sur les machines boudées du grand public. Fondée à l’origine par des transfuges de chez Konami ayant travaillé sur des références comme Super Castlevania 4 et Contra 3 (Super Probotector en français), Treasure excellence en matière de gameplay, en repoussant sans cesse les limites de challenge.

Treasure s’est spécialisé dans l’action, un domaine que le développeur connaît désormais sur le bout des doigts. Pourtant, même si les précédents titres de l’équipe ont reçu d'élogieuses critiques, il manquait à Treasure un titre vraiment fort, un chef d’œuvre. Le genre de titre dont on se remémore les parties dix ans après avec autant de ferveur. Sorti en 1998, d’abord en arcade sur la carte d’arcade STV (dérivée de l’architecture de la Sega Saturn) puis converti très logiquement sur la 32 bits de Sega ensuite, Radiant Silvergun est ce chef d’œuvre, un shoot’em up d’anthologie que tout les fans d’import connaissent pour sa grande qualité (et pour son prix désormais exorbitant).

Il était indispensable de revenir un instant sur le phénomène Radiant Silvergun, l’un des titres capables de donner ses lettres de noblesse à un genre souvent sous-estimé. Radiant Silvergun est un titre adulé des joueurs, nous allons voir les raisons de cet engouement au cours de cette critique.

Un gameplay d'une rare richesse
Les raisons du succès critiques de Radiant Silvergun sont très nombreuses et les différents systèmes inclus dans ce titre en font largement partis. Je vais donc largement développer sur le gameplay dans cette première partie, en expliquant le fond des systèmes contenus dans ce titre ainsi que leurs effets sur le joueur.

Tout d’abord, au niveau de l’armement, il existe trois armes différentes : le Vulcan (A), le Homing (B) et le Spread (C). Le premier est classique, il s’agit de rafales de feu linéaires. Le second est un tir plus faible mais qui se dirige automatiquement vers les ennemis alors que le dernier envoie des tirs bleus dont il est possible de déclencher l’explosion au moment opportun. Jusque là, rien de spécialement original, n'importe quel jeu de tirs propose des armes différentes.

Pourtant, première innovation, il est possible de combiner les trois tirs entre eux pour en obtenir un nouveau. Par exemple, en combinant le B et le C, on obtient le Homing Spread, qui a des propriétés différentes de ses deux géniteurs. Radiant Silvergun comporte donc six tirs de base, auquel on doit rajouter une arme à part, la Radiant Sword. Il s’agit d’une arme que l’on peut faire tourner dans le sens des aiguilles d’une montre (ou l’inverse) et que l’on peut maintenir. Cette arme, plutôt utile au corps à corps, est très puissante et peut même absorber certains types de tirs (les boules roses) pour remplir une jauge. Une fois pleine, à la prochaine utilisation cette arme, le joueur disposera de la puissante Hyper Sword, qui détruit une bonne partie de ce qui est affiché à l’écran, en plus de rendre le vaisseau invulnérable pendant son exécution. Avec la Radiant Sword, le total des armes monte désormais à sept, qui fonctionnent toutes de différentes manières, avec des propriétés bien définies. L’armement est donc très complet, très polyvalent et il faut varier suivant les situations pour s’adapter au mieux.

Le coup de génie de Treasure a été d’intégrer un système de montée en puissance des armes, avec des niveaux, comme on peut en trouver dans n’importe quel RPG. Plus on utilise une arme, plus elle devient puissante, par exemple le premier tir progresse tout les 200 tirs directs et gagne en puissance et en taille. Il faut donc monter ses armes en gardant en tête leur utilité. A noter que les tirs combinés (A+B, A+C, B+C) bénéficient de l’augmentation des tirs de base, par exemple le Wide Shot (A+C) gagne en puissance lorsque le A monte de niveau. Le niveau du tir est essentiel car la puissance peut grandement varier. Il n’est pas forcément très judicieux de ne monter qu’une seule arme, dans la mesure où elle ne sera pas forcément adéquate dans toutes les circonstances. Radiant Silvergun mise énormément sur ce côté adaptation du joueur face au challenge, et c’est ainsi qu’il prouve toute sa richesse.

Il faut constamment alterner les tirs suivant les situations, sans oublier de ramasser les boules pour « nourrir » la Radiant Sword et produire ses effets dévastateurs. L’armement constitue un énorme point fort de Radiant Silvergun et se révèle bien plus intelligent que la quasi-totalité des systèmes du genre. En effet, dans les jeux de tirs classiques, il fallait ramasser des pastilles pour monter en puissance, il n’y avait pas de progression en fonction de l’utilisation. Ce petit côté progression comme dans un RPG est l’une des saveurs de Radiant Silvergun.

Le principal leitmotiv d’un jeu de tir, outre parvenir à son terme, est le score. Encore une fois, Treasure a parfaitement compris cet aspect en proposant un système ce point très riche, dans lequel il est possible de progresser des heures durant. Il faut savoir que les ennemis arrivent selon trois couleurs différentes : rouge (commun), bleu (non commun) et jaune (moins commun). En détruisant trois ennemis de la même couleur, on obtient un « Chain Bonus », un petit bonus de point. Il est possible de continuer la chaîne en détruisant encore des ennemis de la même couleur, en obtenant un bonus tous les trois ennemis détruits. La chaîne est brisée lorsque le joueur abat un ennemi d’une autre couleur, termine le niveau, ou explose. Ce système de chaîne offre une importante richesse, surtout lorsqu’on analyse les différentes formations d’ennemis qui arrivent à l'écran. Treasure est parvenu à exploiter avec brio son système de chaîne et force le joueur à être très attentif pour maximiser son score. Etant donné la difficulté du titre, le système de chaîne devient rapidement un luxe destiné à l’élite.

Toujours dans cette idée de maximiser son score, Treasure a inclus une chaîne d’ennemis qui rapporte beaucoup plus de point (« Secret Bonus »). Il faut pour cela détruire un ennemi rouge, un bleu et un jaune. La chaîne peut être étendue en continuant à détruire des ennemis jaunes et prend fin dans les mêmes conditions qu’une chaîne classique. Autant dire qu’avant de pouvoir faire des chaînes dignes de ce nom, il va falloir accumuler les heures de vol. Autre ajout décisif, le système de Scratch Point, une véritable innovation qui est particulièrement intéressante. Lorsque le vaisseau évite un tir ennemi de justesse, on peut apercevoir des étincelles. Il faut savoir que c’est le milieu du vaisseau (le cœur) qui est vulnérable, alors que les ailerons peuvent encaisser des dégâts. Mieux, lorsque ces étincelles apparaissent, le joueur gagne des points en bonus ! Voilà un feedback particulièrement ingénieux qui récompense la prise de risque et la précision. Bien entendu, le joueur expert fera tout pour récolter un maximum de « Scratch Point » dans les niveaux, au péril de sa vie. Voilà la petite idée de gameplay vraiment bien trouvée qui ajoute encore à la profondeur d’un jeu qui n’en manquait pas vraiment.

Pour continuer dans la catégorie des bonus de point, essentiels à un shoot’em up, il est possible d’obtenir des bonus en détruisant un boss dans le temps imparti. Si le temps d’une confrontation (qui n'est pas affiché) tombe à zéro, le boss s’autodétruit et ne rapporte qu’un minimum de point. Le bonus de point est basé sur le taux de destruction des boss, qui peut profondément varier comme nous allons le voir un peu après.

Enfin, le dernier bonus, la cerise sur le gâteau, concerne des chiens dissimulés dans les niveaux de manière invisible. Il n’existe qu’une seule arme capable de détecter ces chiens bonus, le Homing Spread (B+C). Il s’agit vraiment du bonus qui fera la différence entre les bons joueurs et les autres. Non seulement l’action de Radiant Silvergun est particulièrement dense (sans prendre en compte les différents bonus !) mais il faut également rechercher les chiens dans le décor pour augmenter son score. Autant dire qu’il se passe énormément de choses dans un niveau de Radiant Silvergun…

Enfin dernier point à soulever, évoqué plus haut, le taux de destruction des boss. Il faut savoir qu’en plus d’être particulièrement agressifs (surtout à haut niveau de difficulté), les boss sont composés de multiples sous parties. Contrairement à la majorité des jeux de tirs, le boss n’est pas un gros bloc qui n’a que deux états (vivant ou détruit). Pour maximiser son score, il faut vraiment décortiquer les boss, en détruire toutes les différentes parties, ce que peut se révéler ô combien périlleux. Par exemple, il est possible de se débarrasser très rapidement du premier gros boss avec un taux de destruction très faible, mais il faudra détruire un à un les différents modules qui viennent s’y greffer pour obtenir le fatidique 100% du Perfect. Prise en compte de la vitesse et du taux de destruction pour maximiser ses points, Radiant Silvergun n’est décidemment pas de tout repos.

Si les joueurs communs seront bien assez occupés à simplement survivre, les experts du shoot trouveront un challenge largement à leur hauteur, et pourront passer des heures et des heures à optimiser leur score. La marge de progression est énorme et montre la grande richesse que peut générer l’inclusion de petites idées de gameplay, apparemment anodines, mais qui donnent des résultats sensationnelles lorsqu’on les combine. Treasure maîtrise parfaitement son sujet et il en découle une richesse de jeu sans précédent dans le genre.

Une réalisation très ambitieuse pour une 32 bits
Pour parler de réalisation, Radiant Silvergun utilise un scrolling vertical classique, renforcé par des multiples changements de plans et autres effets de vitesse. Graphiquement, il mélange éléments 2D et 3D avec un rare brio, l’ensemble est très cohérent, dans la même direction artistique. Il se permet même quelques passages originaux, comme un affrontement avec un ennemi intégralement en 3D fil de fer, ou des effets spéciaux de toute beauté. Pour une simple Saturn, le spectacle est plutôt réussi, avec des textures fines, des belles explosions et divers effets visuels très bien rendus.

Avec une telle débauche visuelle, il n’est pas rare de voir le jeu ramer par moment. Mais attention, alors qu’on hurlerait au scandale dans une autre production, on se prend à apprécier les ralentissements de Radiant Silvergun. Pourquoi ? Parce que les ralentissements constituent de vraies bouffées d’oxygènes, il devient possible de slalomer plus facilement entre les tirs et de respirer un peu. Etant donné que le jeu ne rame qu’à certains moments précis, c’est à se demander si les ralentissements ne font pas parti intégrante du titre. En tout cas, ils sont plutôt bien intégrés et produisent un effet difficile à imaginer lorsqu’on ne connaît pas le titre.

Difficile de ne pas revenir sur les compositions de Hitoshi Sakimoto. Ce grand monsieur est très connu par les fans de RPG japonais, ayant composé pour des dizaines de RPG, plus ou moins anciens. Parmi ses grandes réussites, on peut citer les OST (Original Soundtrack) de Ogre Battle / Tactics Ogre, les éblouissantes compositions pour Final Fantasy Tactics ou encore les thèmes de Vagrant Story. Des musiques symphoniques dans un shoot’em up, il fallait oser !

On connaissait les bandes sonores très rock des jeux sur Duo, dont celles de Lords of Thunder, également érigé au rang du jeu culte. Le résultat est un son de qualité, avec des compositions particulièrement entraînantes (« Evasion » pour n'en citer qu'une) qui créent des ambiances particulières, que l’on n’a pas l’habitude de retrouver dans ce type de jeu. Le ton est définitivement épique, ce que ne fait que renforcer les moments de bravoure et de virtuosité. Radiant Silvergun dispose d’une couleur visuelle et sonore tellement caractérisée qu’on le reconnaît sans peine au premier coup d’œil.

La mise en scène y est également pour beaucoup dans la réussite du jeu, avec des passages à grande vitesse, des montées, des descentes, des affrontements titanesques au-dessus d’un cratère ou dans un couloir… Les boss disposent tous d’une présentation, parfois énigmatique, ou l’on peut y voir des conseils de jeu. Mention spéciale pour le combat final qui est tout simplement hallucinant, surréaliste, comme de nombreux passages du jeu, avec un côté parfois mystique. Même aujourd'hui, je me souviens difficilement d'un tel affrontement, il faut le voir pour le croire.

Une partie de Radiant Silvergun
Il faut bien se rendre d’une chose, c’est que d’un point de vue Level-Design, Radiant Silvergun est complètement fou. C’est bien simple, il propose des situations d’une variété extrême, où vitesse et précision sont indispensables pour espérer survivre quelques minutes. Si la progression est linéaire (surtout dans le mode Saturn, la version arcade proposant un choix de chemin), les différents patterns des ennemis changent complètement selon le niveau de difficulté. En mode normal, Radiant Silvergun est déjà très abouti, peut-être le shoot’em up proposant le plus d’action par séquence.

En vrac, on enchaîne les situations avec des myriades de tirs à l’écran, sachant qu’il existe toujours une manière de s’en sortir, les affrontements colossaux contre les boss, avec parfois une utilisation nécessaire du décor, on alterne avec des passages à grande vitesse dans des couloirs ou des passages avec une marge de manœuvre très réduite. Les développeurs de Radiant Silvergun prennent un malin plaisir à placer le joueur dans les situations les plus impossibles, avec quelques pixels pour se déplacer et pourtant des tirs à éviter. Les situations en espace vital particulièrement réduit sont légion, les exemples dans le domaine abondent au cours d'une partie.

Les niveaux sont composés de plusieurs séquences de jeu, avec régulièrement un mini-boss qui vient s’en mêler. Les ennemis disposent de toutes sortes de tirs, canons vulcains, missiles, lasers, fils électriques, avec les variantes à têtes chercheuses… Aucun boss ne se ressemble et tous proposent des phases d’action plus innovantes les unes que les autres. Radiant Silvergun, c’est de l’action pure, et de l’action particulièrement intelligente. Evidemment avec des scènes de ce genre, Radiant Silvergun offre un vrai challenge. Parvenir au terme du jeu est déjà bien copieux, ne serait-ce qu’en niveau normal. Dès que l’on passe l’étape du niveau Hard, ça devient complètement hallucinant, il pleut des tirs, on se retrouve dans des espaces vitaux de trois pixels dont deux pris par les tirs, les patterns d’attaques deviennent de plus en plus complexe, la mort rôde sans arrêt. Bienvenue en enfer ! Faire des chaînes devient un luxe quand 100% des capacités en terme de réflexes, de concentration et de précision sont exigés pour survivre. La tension que Radiant Silvergun parvient à faire naître est plutôt unique en réalité, une tension de tout les instants, on retient son souffle, on enchaîne, on reconnaît les patterns et on termine, dans le meilleur des cas, par s’en sortir avec une virtuosité quasiment artistique (ou l'on se gaufre lamentablement dans l'autre cas).

Même s’il ressemble parfois plus à une succession d’affrontement contre des boss avec des passages de transition, Radiant Silvergun est la perle du shoot’em up. Un jeu frénétique, complètement fou parfois, qui frôle le génie lors des passages les plus impressionnants. Regarder un bon joueur en pleine partie de Radiant Silvergun a quelque chose de jouissif, tant il fait appel à des capacités élevés de précision, d’anticipation et de dextérité. C’est vraiment de la virtuosité dans le gameplay, quelque chose très difficile à atteindre qui fait oublier au joueur qu’il se retrouve en face d’un écran avec une machine. Non, à ces moments préçis, le joueur est un vaisseau spatial, sa vie ne tient qu’à un fil et il faut slalomer parmi des myriades de tirs. Le challenge exige une telle concentration que l’on ne peut prêter attention à autre chose, une seconde d’inattention et c’est la mort assurée. Difficile de maintenir un tel rythme pendant un jeu complet, et pourtant Radiant Silvergun monte en puissance au fil des niveaux. Au niveau du rythme, des idées de challenge en pagailles, Radiant Silvergun fait très fort.

Conclusion
Radiant Silvergun est un jeu fou, qui porte le shoot’em up au-delà de ce qu’il était à l'origine, vers les sommets du grandiose. Rarement un jeu de tir aura été aussi intelligent, aussi dense, aussi maîtrisé. En conclusion, il s’agit bien entendu d’une perle rare du jeu vidéo, d’un jeu de tir sans précédent qui procure des sensations inédites. Il faut s’accrocher pour y prendre plaisir mais en terme de challenge, Radiant Silvergun fait plus que remplir ses objectifs. Que dire devant une telle richesse de jeu, devant une réalisation aussi propre pour la machine, devant l’ambiance portée par les musiques de Sakimoto, devant les situations extrêmes, devant la possibilité de jouer à deux ? Radiant Silvergun est un jeu fou, un chef d’œuvre, une pièce de maître.

Le seul titre qui rivalise aujourd’hui avec lui (et ne fait que rivaliser) n’est autre que sa fausse « suite », le non moins génial Ikaruga. Inutile de chercher à comparer les deux, ils sont semblables dans la qualité (une bonne longueur d’avance sur les autres shoot’em up) et pourtant très différents dans leurs approches. Ce deux jeux sont plus qu’incontournables, on ne peut prétendre connaître le genre shoot’em up sans les avoir vu tous les deux. S’il ne fallait garder qu’un seul titre de toute la production de shoot’em up depuis la création du jeu vidéo, ce serait forcément Radiant Silvergun ou Ikaruga. Dommage que ce Radiant Silvergun ne soit sorti que sur Saturn, car seuls les plus acharnés ont pu profiter de cette merveille.

Yan Fanel, mai 2004

Les points forts
Les points faibles
- Le système d'armement et ses combinaisons
- Aucun
- Le principe de progression des armes
 
- La réalisation impressionnante pour une 32 bits
 
- Les musiques magistrales de Hitoshi Sakimoto  
- Les nombreuses subtilités pour le "scoring"