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SNATCHER - Cyberpunk Adventure
Plate-forme | Sega CD |
Genre | Aventure |
Editeur | Konami |
Développeur | Konami |
Date de sortie | 30 novembre 1994 (US) |
Texte | 10080 caractères |
Captures | 15 |
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Il était une fois un créateur de jeu vidéo qui rêvait de faire du cinéma dans un jeu vidéo. Il rêvait de créer une puissance émotionnelle dans le jeu vidéo comparable aux sentiments qui nous envahissent devant un film, il rêvait de faire passer de l’émotion derrière ses scènes, derrière ses scénarios, derrière ses mécanismes de jeux. Ce créateur s’est aventuré sur ce long chemin de croix, en espérant faire évoluer le jeu vidéo, lui donner une dimension cinématographique tout en restant interactif. Snatcher est l’une des compositions de ce créateur, un titre plutôt méconnu hormis chez les vieux de la vieille qui connaissent sur le bout des doigts l’histoire des jeux de Hideo Kojima. Depuis la première version en 1988 sur PC88, Snatcher a connu diverses adaptations : MSX, PC-Engine Super CD-rom, Mega CD ou Sega Saturn. Pourtant, il n’existe qu’une seule version disponible pour les personnes ne parlant pas japonais, la version Mega CD qui dispose notamment d’un doublage en américain de bonne facture. C’est cette version que j’ai décidé de critiquer.
Snatcheur,
ton univers impitoyable
S’il y a une chose qui saute immédiatement aux yeux lorsqu’on
s’aventure dans ce Snatcher, c’est bien la puissante influence du
film Blade Runner de Ridley Scott. La trame est très similaire et l’ambiance
futuriste ne cesse de rappeler ce classique du cinéma d’anticipation.
Vous incarnez un certain Gillian Seed, qui vient d’arriver dans un groupe
d’investigation au sein de la ville de Neo Kobe en 2045 (la même
ville qui sera théâtre des courses de Road Rage / Speed King du
même développeur quelques années après). Il est chargé
d’enquêter sur des robots appelés Snatcher qui prennent le
corps d’être humains hauts placés pour des motifs que l’on
ignore. La base est comparable à celle de Blade Runner, le détective
ayant le terme de « Junker » cette fois et les robots semblent être
des cousins germains de Terminator.
L’ambiance de Snatcher est plutôt glauque et les éléments futuristes coexistent avec des traces de la civilisation passée, décimée pendant la grande « Catastrophe ». Comme à l’accoutumée, l’univers est très riche, dispose de sa propre chronologie d’événements et découvertes qui forment un tout plutôt cohérent. Aucun élément n’est placé là par hasard et de nombreux thèmes sont abordés comme l’identité par la mémoire, la recherche scientifique et la suspicion chez l’être humain. Loin des débats moralisateurs, les thèmes évoqués dans Snatcher sont assez généraux pour toucher la sensibilité du joueur. Ils contribuent à enrichir le contexte et donnent du relief à cette histoire qui aurait pu être un bon film de série B.
Le jeu est présenté sous forme d’écran, avec des angles de vue relativement communs et quelques animations qui viennent donner un peu de piment. La manière d’ouvrir les portes est amusante car on ne voit pas immédiatement l’intégralité du décor apparaître. Le genre de petits détails que les concepteurs ont pensé à tout pour essayer de rendre l’aventure immersive.
Interactivité
versus Narration
Concilier interactivité et narration de qualité est un pari audacieux
sur lequel se sont penchés de nombreux créateurs de jeux. Ces
deux termes semblent presque fondamentalement opposés et il est délicat
de les concilier dans un jeu vidéo. L’interactivité est
l’histoire qu’écrit le joueur a chacun de ses actes, à
chacun de ses choix alors que la narration est l’histoire écrite
par le concepteur, avec grands soins, qui doit se dévoiler selon la volonté
de ce dernier. Dans le cas de Snatcher, on se trouve typiquement dans un cas
où la narration a très largement l’avantage sur l’interactivité
et le gameplay. Snatcher n’a rien de révolutionnaire dans son déroulement
ou dans son gameplay, il s’agit d’un jeu d’enquête où
un personnage se balade de lieux en lieux, en interrogeant d’autres personnages
pour trouver des indices et faire avancer son enquête. La sauce est très
classique, surtout pour les amateurs de jeux d’aventure sur PC gavés
de jeux Infocom et Lucasarts.
Ce qui est bien fait dans Snatcher, c’est finalement la linéarité de la chose puisque les commandes sont directement accessibles sous forme de menus à dérouler, oubliant même la pourtant simple notion de Point & Click chère aux autres jeux du genre. Pourquoi une telle accessibilité, une telle linéarité et finalement une telle facilité ? L’intérêt de Snatcher ne serait-il pas ailleurs que dans son gameplay, résolument simplifié à l’extrême ? Le choix fait dans Snatcher est celui de miser essentiellement sur l’histoire, en réduisant le gameplay à sa plus simple expression. Si ce choix est tellement imposant, jusqu’à limiter le gameplay lui-même, c’est indéniablement que Snatcher a une ambition. Et si cette ambition n’est pas du côté de l’interactivité, elle est nécessairement du côté de la narration.
Snatcher est tout simplement un de ces jeux narratifs où la place du scénario et des dialogues est tellement puissante qu’elle constitue l’essence même du jeu. Le but est incontestablement de faire passer des émotions par le scénario, par l’ambiance, par l’image et par le dialogue. La grammaire de Snatcher tient largement plus du langage filmique que du langage vidéoludique. Il s’agit bien entendu d’un choix discutable qui va à l’encontre des principes modernes qui axent essentiellement leurs narrations sur l’interactivité (ou qui essayent du moins). Pourtant, Snatcher est tout simplement excellent et réussi à merveille l’ambition qu’il s’était donné. Il ne réconcilie absolument pas les termes d’interactivité et de narration mais montre que l’on peut obtenir un excellent résultat en gérant bien les doses de ces composantes.
Délicieuse
enquête
Snatcher est tout simplement un délice, un jeu d’enquête
très immersif et fort bien mené qui parvient à créer
une puissance émotionnelle chez le joueur. Cette force émotionnelle
vient de plusieurs aspects du titre qui sont savamment exploités. Tout
d’abord, Snatcher peut sembler tour droit sorti des pires cauchemars de
certaines organisations bien pensantes qui cherchent à décrédibiliser
le jeu vidéo à cause de sa violence. Snatcher est violent, sans
aucune censure et sans excès qui le ferraient sombrer dans le grotesque.
La violence de certaines scènes n’a d’égale que la
sensualité de certains personnages féminins, qu’il est possible
de draguer par ailleurs. Les personnages féminins ont la part belle dans
cette histoire, ces muses sont agréables pour les yeux et permettent
de véhiculer des émotions chez le spectateur, pardon, joueur.
Bien que les possibilités de dialogues soient très limitées,
l’humour ou la gravité de certaines répliques créent
les effets émotionnels recherchés. Par des images fortes, parfois
très cinématographiques ou caricatural, Snatcher parvient à
toucher le joueur, à l’immerger dans cette aventure si particulière.
Le but fondamental du jeu, l’enquête, implique déjà le spectateur en lui demandant un minimum d’effort. Pourtant, Snatcher n’est absolument par complexe, comme si les résolutions d’obstacles n’étaient que des formalités pour avancer dans le scénario. Les dialogues sont très bien tournés, avec quelques touches de post-modernismes qui sont devenues syndicales chez le créateur en question. Ainsi, quelques remarques adressées au spectateur viennent égayer un passage ennuyeux ou trop banal, alors que d’autres suggèrent de monter le son pour entendre un léger son. L’implication physique du joueur dans son expérience de jeu est un thème important chez ce créateur et Snatcher s’illustre dans cette tendance, en faisant participer le propre joueur à son expérience, au lieu de lui imposer bêtement. Cela contraste complètement avec la linéarité de l’affaire, qui laisse peu de choix au joueur. Le résultat est cependant digne des ambitions : à aucun moment, le joueur n’a l’impression de stagner ou d’être bloquer, il suffit toujours d’explorer les lieux pour s’en sortir. Et dans le cas où le joueur pourrait faire fausse route, des blocages viennent le remettre dans le droit chemin. C’est comme si le créateur de Snatcher voulait que le joueur avance et profite de l’histoire, plutôt que de s’encombrer d’énigmes ou de passages de gameplay trop nombreux.
Car le gameplay est bien présent malgré tout, uniquement dans l’optique de faire monter la sauce et de focaliser l’attention du joueur. Les « Warning » sonores sont assez explicites pour faire monter la tension et la simple présence de phase d’action permet de créer une implication du joueur qui aurait pu être moindre sans ses dernières. Les choix effectués dans Snatcher sont cohérents et permettent à ce titre d’atteindre ses ambitions avec brio.
Conclusion
On appréciera les multiples clins d’œil à l’univers
Konami, qui donnent une identité au jeu, comme votre coéquipier
dont le nom fera forcément sourire, comme certains lieux ou personnages
bien connus des amateurs de la firme. On appréciera à leur juste
valeur les différentes manières d’impliquer émotionnellement
le joueur dans son expérience de jeu. On appréciera les personnages
peu nombreux mais impeccablement caractérisés, dans une construction
scénaristique classique mais très efficace, qui témoigne
d’un certain goût à l’écriture du scénario
de son créateur. On appréciera les subtilités du scénario,
l’ambiance oppressante et le choix de tout miser sur l’enquête,
le contexte plutôt que sur le gameplay et de faire ainsi une aventure
simple que le joueur savoir comme un film.
Au chapitre des regrets, l’univers est tellement riche que la fin de l’aventure semble arriver bien vite, on aurait apprécié plus de scènes, de lieux à explorer ou des retournements de situations en plus grand nombre. Il y avait matière à faire un peu plus que la petite dizaine d’heures de jeu offerte ici.
Finalement après avoir apprécié autant de chose, Snatcher apparaît vraiment comme un régal dans son genre. Une superbe aventure, très bien mené, jamais ennuyante et avec une importante teneur émotionnelle. Créer un jeu si accessible et si cinématographique est un pari audacieux mais superbement exécuté…en 1988. Bravo l’artiste, bravo l’équipe.
Yan Fanel, janvier 2005
Les
points forts |
Les
points faibles |
- L'ambiance
des différents lieux, l'univers |
- Un poil trop court |
- La grande
simplicité des commandes |
- D'une grande linéarité |
- Les personnages
féminins qui donnent une pointe d'érotisme |
|
- Le scénario et surtout les dialogues (cf les screenshots) |