ETUDE DE BORDER DOWN : TIRS ET PROGRESSION

Border Down est un shoot'em up sur Dreamcast sorti il y a un mois, donc en fin de vie de la machine. Représenté à l'horizontal et entièrement réalisé en 3D, comme les G-Darius, Einhander et autres R-Type Delta de la PSone, il possède des innovations suffisamment intéressantes pour faire l'objet d'une petite fiche de Game Design. Même si le genre qu'il représente, le shoot'em up, est quasi mort, il est intéressant de constater les quelques nouveautés qu'il est possible d'inclure dans ce style de jeu autrefois dominant. Les deux principales nouveautés de Border Down concernent le système de tir et la structure de progression, auxquelles on peut ajouter certains choix de jouabilité.

Un système de tir simple mais bien pensé

Border Down propose deux types de tir, le premier est le tir normal, le second est le "Break Shot". Le tir normal est assez classique puisqu'il suffit d'appuyer sur le bouton correspondant pour tirer. Il existe cinq niveaux de puissance, représentées par une barre en bas de l'écran graduée de 1 à 5.

Une petite innovation est à signaler à propos du tir normal. Dans la grande majorité des jeux du genre, il existe différents types de tirs, certains bonus pouvant changer la forme et les propriétés du tir. Border Down utilise un système simple mais très bien pensé. Lorsqu'on laisse appuyé le bouton de tir, le vaisseau tire en face en lui de manière continue en forme de lignes. Il pourrait sembler difficile de tirer lorsque des ennemis sont à plusieurs hauteurs différentes. Par contre, lorsqu'on appuie sur le bouton de tir par petites salves, le tir est complètement différent, une salve de tir part directement en direction des ennemis. Le joueur doit donc alterner entre tir continu et tir en salve suivant les situations. Nul besoin de changer d'arme, c'est simplement la pression qui détermine le tir. Ce système est très ingénieux, car simple à l'emploi et garant d'une bonne variété de situation.

Maintenant, voyons le fonctionnement du "Break Shot": ce dernier s'utilise en consommant la barre de puissance en bas de l'écran. Ce tir, particulièrement puissant, laisse le vaisseau invulnérable durant toute sa durée d'utilisation. L'intérêt du système vient du fait que la fameuse barre augmente quand le joueur tire sur les ennemis (le simple fait de tirer fait monter la barre) et elle monte davantage quand le joueur détruit des ennemis. Le joueur peut également tomber sur des "Power Up" qui l’augmentent également (boules à ramasser). Ce système est la clé de situations variées, par un habile feedback positif. Dans les situations faciles, le joueur monte sa barre au maximum, et dès qu'il se trouve en danger, il peut utiliser le "Break Shot" pour s'en sortir.

Parmi les propriétés du "Break Shot", on peut noter que ce dernier rends le vaisseau invulnérable durant toute son utilisation (il est possible de l'utiliser par à coup, ou de vider intégralement sa barre). Il absorbe les tirs ennemis, ce qui est pratique lorsque le joueur est débordé par les tirs: une petite utilisation de "Break Shot" par ici pour annuler les tirs, on passe, et on économise sa barre ensuite.

La propriété la plus intéressante du tir est son utilisation contre les boss. En effet, les boss disposent également d'un "Break Shot" mais d'une autre couleur (celui du joueur est bleu, celui des boss est rouge). Par contre, ces derniers ne sont pas invincibles lorsqu'ils l'utilisent. Un point important, sachant que l'on peut contrer un "Break Shot" par un autre "Break Shot" ! Les deux rayons se rencontrent, créant une déflagration surpuissante qui fait des dégâts monstrueux. Il s'agit de la meilleure méthode pour infliger de lourds dégâts sur les boss, d'autant que si le joueur dispose d'une barre de "Break Shot" bien remplie, il peut même repousser le tir ennemi. Cela donne lieu à des affrontements particulièrement violents, rappelant parfois Dragon Ball Z.

La gestion de la barre de "Break Shot" est primordiale, elle est la clé de la réussite et un point très ingénieux dans le Game Design de Border Down. Elle force le joueur à optimiser sa gestion de la barre, et son parcours par la même occasion. Avec ces trois tirs (Normal en ligne, Normal en salve et "Break Shot"), le joueur dispose d'un éventail d'action complet et intuitif.

La structure originale

Encore plus novateur, Border Down s'illustre par une progression de jeu très particulière. Le jeu est découpé en six niveaux, eux-mêmes divisée en trois passages. Chaque passage est disponible en trois versions, en fonction de la couleur de la "Border". Je m'explique, au début du jeu, le joueur choisi entre trois "Border": une verte, une jaune et une rouge. Elles correspondent à un chemin différent dans le niveau (sauf dans le premier niveau où il ne s'agit que de variations d'ennemis). Dès que le joueur se fait toucher, au lieu de perdre une vie (il n'y a pas de vie), il rétrograde d'une "Border". S'il était dans la "Border" verte, il passe dans la "Border" Jaune et ainsi de suite. Par contre, une fois dans la "Border" Rouge, s'il se fait encore toucher il doit utiliser un continu. Lorsqu'un continu est utilisé, le joueur repart dans la "Border" la plus haute, et dispose à nouveau de trois chances pour passer le niveau.

Au terme de certains stages, le joueur monte d'une "Border" par rapport à son niveau actuel. Par exemple, si à la fin du niveau 2 il s'est fait toucher par le boss et se trouve dans la "Border" jaune, il repasse ensuite dans la verte au stage suivant.

Ce système est très intéressant. Au premier regard, le joueur est frustré car le moindre impact est sanctionné. Par la suite, on se rend compte que toutes les zones ne sont pas de la même difficulté. Souvent, les "Border" rouges sont plus faciles, par contre en face d'un boss, il faut faire un sans faute (on réapparaît immédiatement face à un boss en cas d'explosion). L'intérêt est que le joueur n'a pas toujours le même parcours. Si dans le premier niveau, le chemin est le même, dans les autres niveaux, chaque zone est différente, avec ses propres difficultés.

Un exemple: arrivé au stage 4, un puissant vaisseau (le réacteur) constitue un passage très difficile à franchir. Je me fais toucher une fois, je passe donc en "Border" jaune. Malheureusement, le passage est encore là et une erreur m'envoie en "Border" rouge. Cette fois, le niveau est différent, bien plus facile et je peux faire le plein de barre. Une fois arrivé au boss avec une barre remplie, je parviens à le vaincre en utilisant bien mon "Break Shot". Même si j'avais pu franchir les passages difficiles des autres "border", le combat contre le boss aurait été bien plus ardu, car j'aurai eu mon de barre à coup sûr. Voilà qui illustre cet étonnant système de progression. Il s'agit du parfait complètement du système de tir car une véritable symbiose se crée entre les deux. La gestion du "Break Shot" est essentielle pour rester dans la "Border" que l'on désire.

Border Down montre ses différences par rapport aux structures linéaires que l'on est habitué à voir dans les jeux de tirs. D'ailleurs, même quand la structure laisse le choix (les Darius ou les Thunder Force), elle n'est pas aussi dépendante du système de tir, sauf peut-être dans l'excellent Lords of Thunder dans lequel il faut choisir les niveaux de façon à récolter le plus de puissance de tir et de gemme, mais c'est un autre cas...

Conclusion

Avant de conclure, certains points de game design restent à signaler. Le vaisseau n'explose par tout de suite au contact des décors, il faut frotter plusieurs fois avant d'exploser. C'est un choix assez cohérent, mais qui oblige à se méfier des décors. A noter que la vitesse de déplacement du vaisseau est modulable, de 1 à 3, comme dans les vieux shoot'em up verticaux que sont Gunhed ou Super Star Soldier. D'autre part, les zones de jeu sont franchement différentes et proposent des difficultés particulières. En général, une partie ne ressemble pas à un autre, et finir le jeu demande une certaine optimisation du parcours.

En résumé, voici un jeu intéressant, fort bien construit qui renouvelle un peu le genre. Sans être aussi abouti que le fameux Ikaruga, il mérite largement que l'on s'y penche quelques heures. Dommage qu'une conversion sur PS2 ne soit pas à l'ordre du jour.

Yan Fanel